Le Finistère permet de vivre intensément la Bretagne, à la rencontre de Bretons passionnés dans des décors insoupçonnés.
Quand après l’été la nature sauvage se couvre de teintes fauves et que les côtes s’agitent de flots écumants, la Bretagne vous livre de Concarneau à Pont-Aven, du Pouldu à Quimperlé les secrets que seuls les promeneurs solitaires savent vraiment apprécier.
Dans la “ville close“ de Concarneau…
Porte d’entrée de notre balade dans le sud Finistère, ce petit port de pêche, moins important peut-être que Le Guilvinec, n’en est pas moins attirant hors-saison. Quand les bateaux rentrent au quai pour leurs casiers à la criée ils sont comme auréolés d’une nuée criarde de mouettes et de cormorans qui battent des ailes en tournoyant. Pourtant ce ne sont plus les tonnages de sardines d’autrefois et les conserveries qui faisaient vivre le port. L’activité n’y est plus aussi prospère, compensée en partie par le chantier de construction navale à côté. Celle qu’on nomme ici “la ville close“, ancienne place forte de Bretagne, s’avance dans la mer avec en entrée son fin beffroi et ses remparts du XVIe siècle fortifiés un siècle plus tard par Vauban. Passé le pont-levis, la rue centrale rend un juste hommage à ce génie des fortifications avec de chaque côté tout ce qui attire la foule en été, petits restos de fruits de mer, échoppes à cirés jaunes, cabans bleu-foncé, incontournables marinières déclinées en couleurs les plus variées. On n’en oublie pas pour autant la belle histoire de cette ville d’Art et d’Histoire, l’une des plus visitées de la Cornouaille dont le port de plaisance mérite lui aussi la balade.
La Normandie a ses Impressionnistes, le sud Finistère a Pont-Aven
Dans les années 1860 ce village de fond d’estuaire à quelques encablures du littoral blotti autour de sa ria et de son chaos de rochers vit de l’eau bouillonnante qui anime l’activité de ses 14 moulins, mais aussi du commerce portuaire avec Nantes et Bordeaux. Les sentiers se faufilent entre les berges où les lavandières blanchissent alors leur linge, les habitants portent leur costume traditionnel, les femmes leur coiffe brodée, le pittoresque local donne des notes colorées aux tableaux. ..Avec l’arrivée providentielle du train à Quimper les premiers touristes découvrent Pont-Aven et les peintres viennent aussi se poser avec leur chevalet.
Des Américains d’abord car on peut communiquer en français en raison du commerce portuaire, chose rare encore en Bretagne. Le peintre Henri Bacon est le premier charmé. “C’est le plus joli village …avec son pont étrange au-dessus d’une rivière rapide qui fait tourner plusieurs roues à eau et s’en va vers la mer à peu de distance“. Il fait venir ses amis et une cinquantaine de peintres de style académique sont bientôt installés à l’hôtel des Voyageurs chez Julia Guillou ou au Lion d’Or où ils sont bien soignés. Les Pontavenistes profitent de l’aubaine pour leur ouvrir ateliers, magasins de matériel et même quelques galeries où exposer. Pont Aven devient une fourmilière très active, une véritable colonie de peintres.
Les peintres affluent dans ce village en bord de ria
Paul Gauguin arrive à la pension Gloanec en 1886 dans “ce petit trou pas cher“ que lui conseille Jogge-Duval alors qu’il n’est encore qu’un Impressionniste et que ses finances ne sont pas au beau fixe. Il est vite séduit par l’authenticité des lieux et les effets de lumière sur les paysages. « J’aime la Bretagne, dit-il, j’y trouve le sauvage, le primitif. Quand mes sabots résonnent sur ce sol de granit, j’entends le son sourd, mat et puissant que je cherche en peinture ». Il est accompagné d’Émile Bernard, Maurice Denis, Paul Sérusier en quête eux aussi d’un nouveau souffle.
A ce dernier il donne une leçon de peinture au Bois d’Amour inaugurant une nouvelle voie, celle du synthétisme et des nabis, un courant puissant bien qu’éphémère précurseur du symbolisme et de l’art nouveau. On l’appellera ensuite École de Pont-Aven avec Gauguin comme chef de file. “C’étaient des indépendants qui apportaient en commun leurs idées personnelles et surtout la haine de l’enseignement officiel » dira Sérusier. De 1886 à 1894 Gauguin séjournera 5 fois à Pont-Aven et au Pouldu.
Jolies balades autour de Pont-Aven
Pont-Aven et ses parages se prêtent à de jolies balades. La plus simple suit l’Aven vivant au rythme des marées. On l’appelle ici ria et il n’est pas sans rappeler les abers du nord Finistère. Le sentier mène au dernier moulin encore en état le long d’un ilot de verdure fleuri de magnolias, de cerisiers et de figuiers et dédié au poète local Xavier Grall, un chantre de la Bretagne.
L’autre promenade au Bois d’Amour rappelle qu’ici Sérusier peignit sur les conseils de Gauguin son tableau Talisman, emblématique du synthétisme. La ria serpente dans les sous-bois de chênes et de hêtres jusqu’à la chapelle de Trémalo dont le Christ crucifié a inspiré plusieurs tableaux de Gauguin, en particulier son Christ jaune.
Un plus grand musée consacré à l’Ecole de Pont-Aven
Il faut flâner dans la calme automnal de ces rues qui furent autrefois le domaine des peintres avant d’être celui des touristes en été pour découvrir les lieux où Gauguin et ses amis ont séjourné. La petite pension Gloanec est devenue une librairie où les rayons se succèdent dans les chambres de jadis. Passer aussi devant le Grand hôtel des Voyageurs tenu de main de maître par Julia Guillou qui y accueille alors les peintres américains et anglais de façon très cossue. Son annexe, l’Hôtel des Ajoncs est devenue le musée de Pont-Aven qu’il faut impérativement visiter. Il contient plus de 4500 œuvres des peintres ayant séjourné sur place sur ses 2000m2 avec des expositions temporaires très intéressantes. De Gauguin il possède des dessins et deux tableaux, Les Lavandières à Pont Aven, 1886, et Village breton sous la neige, 1894, prêtés par le musée d’Orsay.
Le Pouldu, dernière escale locale pour Gauguin
C’est à la buvette de la plage tenue par Marie Henry que l’artiste en quête de “primitif“ et d’authenticité se réfugie en 1889, quand l’affluence de Pont-Aven devient trop grande. Il y rencontre Meijer de Haan et Charles Filiger avec qui il va travailler à ce synthétisme qui rejette des détails, opte pour les couleurs en aplats cernées de noir et une perspective comprimée. Sérusier les y rejoindra et fondra avec Maurice Denis le groupe des Nabis fait de planéité et de couleurs contrastées. Témoin de cette aventure le décor réalisé en commun dans la salle à manger de l’auberge reconstituée à l’identique dans la même rue en 1989 soit un siècle après son séjour. Cette buvette bis est aujourd’hui la Maison-Musée du Pouldu qui propose une visite émouvante de la cuisine à la salle à manger, dont les murs couverts sont de leurs peintures, aux chambres à l’étage reconstituées dans leur simplicité. Gauguin réalise une trentaine de tableaux au Pouldu qu’il laisse en gage à Marie Henry sans jamais pouvoir les récupérer…
“Chemin des peintres“ avant le ravissant port de Doëlan
Jalonnées de 19 bornes explicatives deux balades à travers la campagne vous embarquent le long des côtes qui surplombent criques et plages, traversent les hameaux, vous découvrent l’estuaire de la Laïta qui remonte jusqu’à Quimperlé. A proximité, Doëlan lové dans sa ria est une petite merveille de la Bretagne avec ses phares rayés sur chaque rive, ses petits bateaux de pêche et ses maisons blanches qui descendent vers la mer.
Retour en ville à Quimperlé
A elle seule la ville possède trois rivières, l’Ellé et l’Isole formant la Laïta, affirmant son caractère bien trempé le long des berges et des rues pavées. Si elle garde quelques témoignages médiévaux dans ses maisons à colombages son bijou c’est l’abbatiale Sainte-Croix, XIe siècle, dont l’architecture en forme de rotonde s’est directement inspirée du Saint Sépulcre de Jérusalem. A la Renaissance on y adjoint une mise au tombeau et un jubé qui sera transformé en retable. Après avoir fait le tour de l’intérieur puis de l’extérieur pénétrez dans la halle façon Baltard accolée à sa façade pour vous laisser tenter par les étalages de produits locaux.
Ville basse et ville haute forment une belle identité avec comme fil conducteur sur leurs façades les œuvres de quelques artistes audacieux. Car Quimperlé mise sur le Street art pour faire de la rue “un espace culturel partagé“. Outsider, Tarek Benaoum, Yoldie et les Monkeybird ont déjà répondu présents et Yann Kersalé y met la nuit en lumière de façon poétique et magique avec son Chemin bleu le long des berges de l’Isole.
Pour en savoir plus :
S’informer :
www.deconcarneauapontaven.com
Visiter :
. Musée de Pont-Aven :
Place Julia. Pont-Aven.
https://www.museepontaven.fr/fr/
. Maison-Musée du Pouldu
www.maisonmuseegauguin.blogspot.fr
. Pont-Aven en lumières
Du 2 décembre au 7 janvier 2024
https://www.deconcarneauapontaven.com/explorer/grands-evenements/pont-aven-en-lumiere/
. Chemin des peintres au Pouldu
https://www.toutcommenceenfinistere.com/article/chemin-des-peintres-pouldu
. Chemin bleu à Quimperlé
https://www.quimperle.bzh/wp-content/uploads/2019/09/2019-09-20_DP-chemin_bleu.pdf
Dormir :
. Ar Men Du à Nevez. Hôtel de 15 chambres en bord de mer. Restaurant gastronomique du chef Jérôme Gourmelen de grande qualié, étoile verte au guide Michelin qui magnifie les produits de la mer et du terroir.
47 rue des îles, plage de Raguénez à Névez.
Ouverture pour les fêtes de fin d’année puis à partir du 23 février.
Ar Men Du, hôtel 3 étoile-Restaurant Gastronomique Responsable
. Quimperlé : Hôtel Vintage
Sur les berges de l’Ellé, dans une ancienne banque et à deux pas du centre, chambres spacieuses et contemporaines. Petit-déjeuner raffiné.
https://www.hotelvintage.fr
Se régaler :
. La Promenade.
Délicieuse cuisine entre terre et mer avec vue sur la Promenade de Pont-Aven.
. Chez Jacky
Produits frais de la mer juste pêchés et accommodés de toutes les manières. Huîtres de Belon bien sûr, homards, langoustines… Le tout avec vue directe sur la mer, la rivière et ses bassins ostréicoles.
Riec sur Belon
. Le Trois-Mâts
Sa terrasse surplombe le ravissant port de Doëlan. On y déguste des tapas, poissons, viandes et fruits de mer pour un merveilleux moment.
www.letroismats29.fr
Artisanat et produits locaux :
. Les galettes de Pont-Aven
Elles font partie de l’image locale et sont vraiment délicieuses.
Traou Mad, maison d’origine
28, rue du Port. Pont-Aven
. Les fameuses huîtres plates
Mais aussi, des creuses charnues et goûteuses
Le Vivier du Bélon
Riec-sur-Bélon
www.les-viviers-du-belon.bzh
. Les faïences de Valérie le Roux décorées à la main dans un style épuré art déco qui s’inspire des motifs marins de Concarneau
14 av du Docteur Nicolas. Concarneau
Tél. : 06 82 08 27 19