Voici notre sélection de 15 œuvres d’art et installations à découvrir, pour une balade culturelle dans la ville du Havre.
1. Emma Biggs, Algues & coquillages (2022) – Place Père Arson
Emma Biggs est une artiste spécialiste de la mosaïque. Sa pratique cherche à faire le lien entre géographie et histoire sociale. Elle s’intéresse notamment à tout ce que révèle l’histoire de la céramique, d’un point de vue culturel, industriel, politique et idéologique.
Son œuvre pour Le Havre se compose d’un ensemble de bancs de longueurs différentes de 3 à 6 mètres, dont les courbes fluides évoquent à la fois les arcs de l’église Saint-François et les formes naturelles créées par la mer. Les motifs abstraits qui y figurent s’inspirent de la vie marine. Une variété d’algues et de coquillages au moyen desquels l’artiste sensibilise le public à la fragilité du milieu. L’artiste précise que « les bancs eux-mêmes sont fabriqués à partir de béton préfabriqué, un matériau utilisé avec tant d’imagination dans toute la ville basse par Auguste Perret. »
2. Erwin Wurm, Narrow house (2022) – Square Érignac
La Narrow House, c’est une expérience immersive dans l’intimité de l’artiste. Cette étrange maison filiforme, de 18 mètres de long sur 1,40 mètre de large, perturbe le regard du visiteur. Cette maison aux allures de pavillon résidentiel typique des lotissements qui ont fleuri en périphérie des villes dans les années 1980, c’est celle où l’artiste a grandi. Il la représente ici avec humour à travers le prisme de ses sensations : aussi étroite que l’esprit étriqué de ses habitants et de la société dans laquelle il a grandi. À l’intérieur, dans le salon comme dans la salle de bain, chacun des éléments du mobilier est étiré, compressé.
Influencé par ses études sur la théorie de l’art, Erwin Wurm a commencé dans les années 90 par créer des sculptures conceptuelles, interrogeant la notion de sculpture. À la mort de ses parents, son travail prend un nouveau tournant. Comme il l’explique : « j’avais gardé jusqu’alors, séparées par une paroi étanche, les problématiques de l’art et de la vie. C’est alors que j’ai brisé cette frontière. J’ai également donné une place et une valeur à ce que l’on rejette ou ce que l’on cache habituellement : le ridicule, l’échec. »
3. Fabien Mérelle, Jusqu’au bout du monde (2022) – Digue Augustin Normand
« Cette sculpture, si jeune soit elle, a eu plusieurs vies. Elle fut conçue pour le Bout du monde, à Sainte-Adresse. À peine deux ans plus tard, elle y fut incendiée. Cela aurait pu être le point final de cette histoire, mais le public havrais, dionysien, qui avait appris à l’aimer, en décida autrement. Les cendres encore chaudes, nombreux étaient ceux qui m’engagèrent à la reconstruire. La Ville du Havre à travers le GIP Un Été Au Havre accompagna cet élan, organisant une collecte qui permit de réunir des fonds nous laissant penser qu’elle pouvait de nouveau voir le jour.
Jusqu’au Bout du Monde installée au bout de la digue Augustin-Normand, c’est remplacer ce poids si lourd par un plus doux. L’enfant né après la lutte. Chacun verra dans cette sculpture ce qu’il souhaite, et c’est bien ainsi. J’y vois pour ma part la force du lien, celui qui pousse des parents à se lever chaque matin pour tenter de donner le meilleur à leurs petits. Ce mouvement si simple qui consiste à les poser sur nos épaules pour les aider à voir ce que nous peinons à discerner nous-même. Les élever au sens propre et figuré du terme. Les inciter à regarder au-delà, ne pas les nourrir seulement de la vision du sol. Et dans un port, accueillir ceux qui arrivent, accompagner ceux qui partent.
C’est un point d’exclamation, un totem, au bout d’une digue, deux visages offerts aux éléments, face à l’océan, décor jamais identique que leurs regards traversent. » Fabien Mérelle
4. Izumi Kato, Untitled (2022) – Place Saint-Vincent-de-Paul
Au Havre, Izumi Kato a créé pour la Place Saint-Vincent-de-Paul une sculpture en bronze d’une hauteur de 7 mètres qui trouve parfaitement sa place dans cet environnement minéral et arboré, à proximité de l’église de style néoroman érigée dans la seconde moitié du XIXe siècle (1849-1882).
« Située sur la belle Place Saint-Vincent, cette énorme sculpture s’adapte et se cache parmi les arbres dont les couleurs varient selon les saisons. Le modèle de ce monument est la représentation d’une figure humaine et d’une abeille en bois. Le modèle est ensuite agrandi en une sculpture en bronze de 7 mètres de haut dont la surface est ornée d’une peinture originale inspirée de ce lieu spécifique. L’idée de ce travail est venue de ma série en cours qui combine des sculptures en bois de figures humaines avec des jouets en plastique représentant des insectes. Ce monument présente un jeu d’échelle et de motif, tandis que l’abeille ajoute un sens de l’humour à l’imagination du spectateur. » Izumi Kato.
5. Klara Kristalova, Sorcière de la mer (2022) – Quai de l’Île (Pont du Docteur Paul Denis)
Klara Kristalova est une artiste suédoise qui construit un monde étrange, peuplé de personnages singuliers, seuls, calmes et peut-être perdus, un peu comme échappés d’un conte. Ces figures représentent une grande variété de figures et de formes : humains, animaux et végétaux, quelquefois des hybrides entre ces catégories.
Créée pour Le Havre, Sorcière de la mer a une dimension décorative et ludique : c’est une girouette qui tourne au gré des vents. Pour Klara Kristalova : « elle vient de la mer ou y retourne. Vous pouvez également voir la sculpture comme une fille se déplaçant sur la plage, jouant et collectionnant les coquillages. Ce motif est lié au Havre et aux scènes de bord de mer. Il reflète la joie de vivre au bord de la mer animée. Installée près du port, la sculpture rappelle ici que la mer est vivante
et présente aussi des aspects moins idylliques. Je veux que la sculpture ait un caractère fort qui apporte identité et poésie au lieu. »
6. Collectif Hehe, Gold coast (2021) – Terre-Plein de la Jetée
Depuis une vingtaine d’années, les productions du duo HeHe explorent les problématiques sociales et écologiques qui émergent de l’industrialisation des paysages et du monde vivant, à travers des installations le plus souvent poétiques, humoristiques et surréalistes.
Au Havre, face au Musée d’art moderne André Malraux (MuMa), le perré, cette bande de pierres destinée à protéger la rive face aux forces de la mer, comprend maintenant plusieurs minéraux hybrides. À la fois pierres précieuses et météorites dorées, ces roches s’éclairent de lumières changeantes, suivant le cours du temps ; elles reflètent les rayons du soleil en journée, rougeoient au moment de son coucher, scintillent sous le clair de lune. L’enrochement se couvre d’or comme le serait l’architecture d’un patrimoine précieux. L’œuvre évoque par ailleurs la dimension économique du commerce portuaire mondiale. Matériau inaltérable et incorruptible, synonyme d’éternité, l’or est une valeur sûre lorsque l’économie est volatile. Ces pépites d’or géantes et éblouissantes, font l’illusion d’une richesse inépuisable, incroyable. Gold Coast est un clin d’œil à l’utopie d’un eldorado maritime.
7. Stephan Balkenhol, Monsieur goéland (2020) – Place du Vieux Marché
Pour la saison 2020 d’Un Été Au Havre, Stephan Balkenhol a créé Monsieur Goéland. Un homme à tête de goéland est hissé sur un support hybride qui relève autant du perchoir que du mât et de sa vergue. Il arbore un caban, vêtement emblématique des gens de mer : navigateurs, pêcheurs, pirates… Installé sur l’esplanade du Muséum du Havre, entouré d’immeubles, Monsieur Goéland s’étire vers le ciel, comme pour rechercher la mer présente aux alentours. Cette sculpture monumentale en bronze peint, de 2,80 m, est posée sur un perchoir de 3,20 m.
8. Henrique Oliveira, Sisyphus casemate (2019) – Jardins suspendus
Racines tentaculaires, qui s’étendent à travers les lieux d’exposition ; bâtiments et meubles boursouflés, déversant leurs tumeurs de bois, etc. L’art d’Henrique Oliveira prolifère, porteur de vie et de formes sauvages et étranges. Au fil de ses installations, Henrique Oliveira dépeint une nature de plus en plus envahissante. Elles ne dialoguent pas seulement avec l’architecture ; elles y prennent corps. Le bois reste vivant. Il s’étire, se tord, gonfle et déborde.
Pour Un Été Au Havre, sa création originale in situ aux Jardins suspendus est une œuvre hybride, quasi vivante, faite de différents bois. Cette sculpture, monumentale, organique, familière dans son apparence, porte en elle une forme de mystère qui pousse le spectateur à s’interroger sur ce à quoi il fait face. Œuvre aussi énigmatique qu’évidente, elle prend naturellement sa place au cœur d’un jardin botanique dédié à la préservation de la nature. Installée dans l’une des alvéoles du bâtiment, elle rompt avec l’architecture rigoureuse des lieux, et en épouse les formes, les creux et les fissures.
9. Stephan Balkenhol, Apparitions (2019) – Place Carrée et immeubles Quai Southampton
Découvrant l’architecture de la Reconstruction, signée Auguste Perret, Stephan Balkenhol s’est amusé à loger pour ainsi dire de nouveaux occupants et de nouvelles occupantes sur les façades de plusieurs immeubles. Ce faisant, il révèle un détail caractéristique de ces bâtiments, et met en exergue un procédé de construction novateur à l’époque : le préfabriqué.
Des sections de façades préfabriquées prévoient à intervalles réguliers des cadres de baies où peuvent être réalisées des fenêtres. En fonction de la distribution intérieure des espaces, certains de ces cadres ne sont pas ouverts. Ces places vacantes ont amené l’artiste à imaginer des personnages qui pourraient se mêler à ceux, bien réels, des habitants, qui apparaissent derrière leurs vitres. Les jeux de regards, les différentes postures et les couleurs des vêtements, forment une composition d’hommes et de femmes plus grands que nature, à la présence discrète, énigmatique, en pleine émergence. Les pièces présentent les marques du geste du sculpteur sur la matière. Souvent debouts, les personnages créés par Stephan Balkenhol n’ont cependant rien d’illustres ou d’héroïques : ils semblent ordinaires, et leurs visages impassibles, s’ouvrent à toutes les interprétations.
10. Lang/Baumann, UP#3 (2018) – Plage
Initialement prévue sur un des immeubles de la Porte océane, l’emplacement d’UP#3 a dû faire face à des contraintes techniques importantes et a finalement trouvé place sur la plage, dans l’axe de l’avenue Foch. L’installation de 10 mètres de haut offre une nouvelle perspective entre la ville et la mer et dialogue avec la Porte océane d’Auguste Perret. Œuvre éphémère d’Un Été au Havre 2017, cette création du duo d’artistes Sabina Lang et Daniel Baumann a finalement été reconstruite en « dur » pour l’été 2018. Cette sculpture d’un blanc éclatant, qui trouve un point d’équilibre entre objet usuel et ovni, ajout fonctionnel et construction de l’absurde, continuera encore longtemps de nous intriguer, depuis la plage comme depuis les cabines des bateaux qui naviguent au Havre.
11. Alexandre Moronnoz, Parabole (2017) – Caucriauville / Pré Fleuri
Surplombant la ville, cette gigantesque parabole en bois invite à la contemplation, au jeu et à la rencontre. Sur cette jolie corolle qui s’ouvre vers l’ailleurs, on peut en effet s’asseoir, s’allonger, pique-niquer, faire la sieste, grimper, se retrouver pour discuter ou contempler en contrebas la ville, l’estuaire et la mer. Sa grande dimension et son inclinaison dans la pente rendent possible une appropriation partagée et multiple, devenant une plateforme de vie et de communication. En effet, l’objet parabole s’implante à la manière des dispositifs de télécommunication installés sur les hauteurs du Havre : toitures, façades, pylônes, buttes, etc.
Figure moderne des technologies de communication à distance, la parabole, ancrée sur ce point haut de la ville à Caucriauville, réinstaure paradoxalement une approche directe, physique et locale de la communication. Cette construction low-tech en bois, presque primitive, contraste avec la facture high-tech de ces dispositifs techniques. Elle réactive des modes de communication premiers : ceux de la rencontre, du verbe et de la parole.
12. Baptiste Debombourg, Jardins fantômes (2017) – Bassin du Roy
C’est une œuvre monumentale et mouvante qui prend racines dans l’histoire du Havre. Il faut l’admirer au bassin du Roy, plan d’eau aux abords duquel trône la statue de François Ier, le roi fondateur de la ville. L’artiste Baptiste Debombourg s’est intéressé aux vestiges de cet instigateur qui a introduit la Renaissance italienne en France. Parmi ses châteaux, celui de Blois* : la chambre du roi, là-bas, est à la hauteur de sa puissance, déployant du sol au plafond des florilèges de rosaces et autres géométries insensées. Ces ornements, Baptiste Debombourg s’en est inspiré pour façonner une structure en métal qui vient se ficher dans les murs du bassin. Au fil des marées, des flux et reflux de l’eau de mer, des moules, des huîtres, des algues s’accrochent là, révélant, semaine après semaine, les motifs royaux et leurs richesses. L’artiste invente, en somme, le jardin marin à la française.
13. Chevalvert, Le temps suspendu (2017) – Jardins Suspendus
Conçue par le studio de design graphique Chevalvert dans une ancienne poudrière et inaugurée le 8 octobre 2017, jour anniversaire des 500 ans du Havre, cette installation interactive permanente rassemble dans un trombinoscope géant, les portraits de plus de 10 000 habitants du Havre qui se sont fait photographier dans des cabines photographiques ou dans le combi mobile dédiés au projet photographique Clic Clac, lancé durant Un Été Au Havre 2017. Chaque personne photographiée a reçu un code en guise de récépissé qui lui permet de retrouver son visage dans cette galerie de portraits géante et numérique.
Afin d’exposer ce trombinoscope géant pour les générations futures, Chevalvert a conçu une installation au sein de l’une des anciennes poudrières des Jardins Suspendus. Cette pièce interactive, dont la scénographie n’est pas sans rappeler l’esthétique de certains films de science-fiction, plonge le public dans une capsule temporelle.
14. Stéphane Thidet, Impact (2017) – Bassin du Commerce
« Il s’agit ici de deux flux. Deux flux tendus qui défient la gravité jusqu’à leur point de rencontre : l’Impact. L’équilibre d’un geste simple, brut, jouant avec les éléments naturels, sur le fil, cristallisant, puissance et fragilité. Venant chacun d’une direction opposée, ces deux jets se rencontrent dans une tension chaotique et puissante. Un magma d’eau laisse alors observer un nuage qui se déforme indéfiniment. Une image, une forme, qui ne sera jamais la même. Il est question d’énergie. Il est question de puissance. Il est question d’une rencontre, forte et fragile, toujours en mouvement. Cette rencontre laisse naître le dessin d’une arche éphémère qui s’éteint aussi rapidement qu’elle est apparue. Il est important que ce moment d’impact soit attendu comme un événement, à la manière d’un feu d’artifice, et disparaisse alors de la même manière. » Stéphane Thidet
15. Vincent Ganivet, Catène de containers (2017) – Quai de Southampton
Vincent Ganivet dit de sa pratique qu’elle est « de l’ordre du bricolage ». Comme pour un jeu de construction géant, Vincent Ganivet assemble et superpose des parpaings, des briques, entre autres objets peu maniables, détournant en virtuose les codes du BTP. C’est que le quadragénaire a longtemps travaillé sur des chantiers : il en garde une obsession pour les matériaux lourds et bruts. Avec cette encombrante matière première, Vincent Ganivet élève des arches, des courbes et des coupoles qui évoquent, par moments, des squelettes de cathédrales romanes.
Lui, cite volontiers Antoni Gaudí : l’artiste emprunte à l’architecte catalan la « technique de la chaînette », ou comment faire tenir debout un arc de béton sans qu’il ne s’écroule. « Systèmes plus que sculptures, mes productions se déploient d’abord à ma propre surprise », énonce-t-il encore. Le spectateur, lui aussi, se laissera aisément surprendre par cette étonnante légèreté qui sourd de ses œuvres : monumental, son travail n’est pour autant jamais exempt de grâce. Catène de containers pèse au total près de 288 tonnes, et son point culminant atteint 28,5 mètres. Le titre, emprunté au mot latin catena, signifienégalement « chaîne ». Il faut y voir un clin d’œil à la technique employée, inspirée d’Antoni Gaudí, mais également à l’utilisation des containers dans la « chaîne logistique ».