Le réveil des plus belles ruines romantiques et industrielles de France Filature Levavasseur Radepont, Eure, Normandie
La filature Levavasseur, patrimoine industriel unique en France, voire au monde, va sortir de son sommeil. Le Département de l’Eure, propriétaire de cette spectaculaire cathédrale industrielle de style néo-gothique, s’apprête à la faire renaître pour la dévoiler au grand public. La belle endormie se réveille !
Renaissance des ruines romantiques de la Filature Levavasseur
2024, année du renouveau. 150 ans après le grand incendie qui a dévasté le bâtiment principal, la filature Levavasseur s’apprête à renaître. S’il ne subsiste aujourd’hui que de superbes ruines romantiques qui invitent à la contemplation, ce lieu était autrefois un espace bruissant d’activités industrielles.
Cette année, le Département de l’Eure, qui mène une politique active en matière de patrimoine, enclenche le réveil de la belle endormie de la vallée de l’Andelle.
– Samedi 31 août 2024 (dans le cadre du Festival Normandie Impressionniste)
Sur le même format, des visites guidées et théâtralisées auront lieu pendant la journée. Réservations obligatoires : visites guidées classiques ; visites théâtralisées. Le soir, laissez-vous séduire par un opéra déambulatoire en écoute immersive où, équipé d’un casque audio, vous découvrirez l’opéra Stalker. Cette représentation vous plongera dans une quête mystique magnifiée par les créations visuelles d’Olga Kisseleva. Soirée sur réservation.
– Un projet de création sonore et d’appropriation du patrimoine
Le projet « Au fil des sons », organisé par le Département de l’Eure, a pour objectif de permettre à des enfants aux parcours de vie difficiles de s’approprier un lieu exceptionnel du patrimoine de proximité, grâce à l’exploration et à la création sonore au contact d’un artiste professionnel. Accompagnés de l’artiste et compositeur Stéphane Norbert, fondateur de So Loops, les enfants créeront un univers sonore inédit, inspiré par l’histoire, l’activité passée et l’environnement de la filature Levavasseur. La rencontre entre les enfants et ce site époustouflant prendra la forme d’une vingtaine d’ateliers de création sonore, entre mai et octobre 2024, dont la restitution se fera lors des Journées Nationales de l’Architecture.
La filature Levavasseur, toute une histoire !
Elles charment, séduisent, envoûtent. Elles arrêtent le temps, invitent à la méditation et nous font voyager dans le passé. Les superbes ruines qui s’offrent à nos yeux aujourd’hui étaient autrefois un site majestueux. Imposant.
Grandiose ! Essayez d’imaginer, il y a 150 ans, au milieu de la vallée de l’Andelle, espace très industrialisé, une usine-cathédrale de 96 mètres de long, 36 mètres de haut (l’équivalent d’un immeuble de 12 étages), sur 5 niveaux.
Des dimensions hors normes, qui ont fait de la filature Levavasseur l’une des plus grandes filatures de France de son temps. Si elle détient des records d’architecture, elle détient aussi certainement le record d’une des histoires les plus courtes. En effet, la filature Levavasseur n’a fonctionné, bon an, mal an, que… 13 ans. Enfin pour le bâtiment principal.
Au début du XIXe siècle, l’activité textile bat son plein sur le secteur de l’Andelle. Plusieurs usines voient le jour sur le domaine de Fontaine-Guérard, voisin direct du terrain qui accueille la filature, mais elles sont détruites par des incendies en 1845. En 1851, Charles Levavasseur, industriel normand, veut remplacer ces usines disparues afin de continuer l’activité de l’entreprise familiale.
Pour cela, il détourne le cours de l’Andelle (rien que ça !) pour créer un canal d’alimentation et un barrage, capables de produire de puissantes chutes d’eau ; l’industrie de l’époque fonctionne essentiellement avec la force hydraulique. Une fois ces aménagements faits, commence, en 1855, LE chantier : la construction de plusieurs bâtiments, dont deux usines :
– Une immense filature de coton (qui ressemble, à s’y méprendre, à une cathédrale), qui fonctionne dès 1861;
– Une usine, plus petite, mais à la même allure néogothique, destinée au tissage, opérationnelle en 1868.
A peine en service, la grande filature enchaîne les déconvenues. La guerre de Sécession en Amérique met un frein aux importations de coton, matière première de l’usine. Les machines ne peuvent être toutes alimentées et la filature, conçue pour faire travailler 600 personnes, n’accueille que 155 ouvriers.
En 1874, après seulement 13 ans d’existence, la grande filature est ravagée par un incendie dévastateur. Le feu a probablement été provoqué par un effet de loupe produit par les vitraux des rosaces sur les balles de coton stockées dans les combles. Fort heureusement, aucune victime humaine n’est à déplorer, l’incendie ayant eu lieu un dimanche. En une poignée d’heure, l’usine-cathédrale n’est plus que ruines, vestiges que nous connaissons aujourd’hui.
Les mésaventures Levavasseur ne s’arrêtent pas là ! Le coût de reconstruction étant prohibitif, Charles Levavasseur ne fait pas reconstruire la grande filature et transfère la production dans la petite (24 mètres de haut tout de même). Ses héritiers construiront, au début du XXe siècle, de nouveaux bâtiments à proximité, dont la salle des machines qui existe encore aujourd’hui. Mais la petite filature subit également des incendies : un en 1913 (qui la détruit partiellement) et un autre en 1946, qui entraîne la fermeture définitive du site. Dans les années 1960, les héritiers Levavasseur vendent le domaine par lots. Les deux anciennes filatures restent à l’abandon, avant d’être rachetées par l’Etablissement public foncier de Normandie en 1995. Après des travaux de consolidation et de défrichement, les usines sont revendues au Département de l’Eure en 1999. En 2021, la filature est sélectionnée
par la mission Stéphane Bern. En 2022, elle accueille une création de l’artiste Sébastien Preschoux, dans le cadre des Journées Européennes du Patrimoine. En 2024, la belle endormie se réveille.