Un été au Havre, voici les artistes sélectionnés pour la 7ème édition de l’événement culturel.
IMMERSION ARTISTIQUE
Maroussia Rebecq – Upcycling Solution (Quai de Saône)
Artiste styliste, Maroussia Rebecq a été une des premières figures de la mode à porter l’idée du recyclage, à une époque où les grandes marques s’y intéressaient assez peu. Pour le lancement de la nouvelle saison, elle a imaginé une performance, sous la forme d’un défilé qui présentera au public des créations originales imaginées et réalisées au Havre. La collection de ces vêtements “hommage” à la vie quotidienne et au monde du travail a été créée en avril lors de workshops au Hangar zéro où l’artiste a invité des habitants et des professionnels à co-concevoir cette ligne inédite, faite de dizaine de vêtements uniques. Différents savoir-faire sont ainsi mêlés, depuis les techniques du nœud marin en passant par le tricot, le collage ou la création d’accessoires, sous la direction artistique de l’artiste, c’est une collection véritablement collective qui a été imaginée.
Des modèles recrutés parmi des habitants du Havre présenteront cette collection unique, fruit d’une réflexion sur l’économie circulaire, le monde du travail et l’urgence écologique. Les modèles seront invités à participer à deux tournages ainsi qu’à un défilé public le 24 juin 2023.
Pour Maroussia Rebecq « la marche, la parade, la manifestation, le défilé, sont prétexte à créer des looks et créer ces looks devient un prétexte à montrer des personnes « ordinaires », des « gueules », des attitudes, à raconter des histoires et à déplacer la beauté conventionnelle et publicitaire vers une beauté intérieure et puissante. Il s’agit de déconstruire et reconstruire notre apathie, à sensibiliser aux métiers de terrain, à valoriser nos différences. C’est ici le portrait de la ville du Havre à travers son paysage et ses habitants. Notre projet «rhabille» nos esprits de valeurs inclusives pour mieux construire le monde de demain. »
Didier Mencoboni – Le Rayon Vert
Le Rayon vert s’inscrit dans la continuité de La Couleur cinq fois, première œuvre réactivable pour l’espace public de Didier Mencoboni issue d’une commande du Centre national des arts plastiques et déposée à Mouans-Sartoux de 2022 à 2023.
Didier Mencoboni propose un événement artistique qui s’inspire d’un phénomène optique et atmosphérique assez rare, le fameux rayon vert du soleil, qui peut s’observer dans les dernières minutes du couchant si différentes conditions sont réunies : pendant un bref instant, un rayon lumineux vert apparaît dans la couronne supérieure de l’astre…
Ce phénomène touchera plusieurs quartiers en passant par la costière, mais aussi Saint-Vincent, Sanvic, la Mare Rouge ou encore le Mont-Gaillard. Il se manifestera petit à petit et progressivement de manière à investir la ville, les commerces, l’espace public mais aussi les espaces privés des Havrais. De multiples complices vont aussi participer à cette création car Le Rayon Vert s’alimente par l’initiative des Havrais qui se l’approprient. Plus les personnes qui habitent ou qui travaillent sur sa trajectoire l’alimentent, plus il se voit, plus il enfle et existe.
À la manière d’un flashmob, c’est l’accumulation, la multiplication rendue possible par les habitants qui forme une œuvre monumentale et commune aux Havrais des différents quartiers sur sa trajectoire, de manière à ce que l’art “traverse la ville” comme l’a souhaité Gaël Charbau.
Alors, ouvrez l’œil, Le Rayon Vert n’est peut-être pas si loin et même peut-être juste à côté de vous.
Emma Ertzscheid – Coup de vent (Rue Robert de La Villehervé)
Pour cette nouvelle saison d’Un Été Au Havre, Gaël Charbau a souhaité poursuivre et développer le travail mené avec les étudiants de l’ESADHaR dans l’espace public. En 2022 et 2023, les étudiants ont participé à un workshop leur permettant de développer un projet concret pour la saison à venir d’Un Été Au Havre. Chacune et chacun devait composer avec les contraintes d’un tel évènement : respecter une enveloppe budgétaire, imaginer un projet qui puisse s’adapter aux nombreux aléas de l’art à ciel ouvert, s’inscrire dans une “écologie de projet” impliquant les producteurs délégués de l’évènement, etc. Après plusieurs sessions de travail et la présentation finale des maquettes, c’est le projet d’Emma Ertzcheid qui a été retenu.
Elle nous propose dans Coup de vent une œuvre drôle, légère et poétique, composée de vêtements figés dans de la résine et suspendus dans certaines rues de la ville, comme si une véritable bourrasque les animait. Avec ce geste en apparence simple, elle projette au Havre l’atmosphère de certaines villes d’Italie ou du sud de la France au milieu du vocabulaire de l’architecture Perret. Avec leurs multiples formes et couleurs, leurs différentes histoires, les vêtements choisis par Emma Ertzcheid nous parlent de la vie quotidienne, des différentes origines sociales, des rencontres impromptues entre la tenue de l’ouvrier, de l’étudiante, du cadre supérieur ou de l’écolier, etc. Elle
anime les rues avec un geste qui répond à la volonté du directeur artistique de faire “frissonner l’art” dans toute la ville et de multiplier les occasions de rencontrer une proposition artistique. Derrière l’apparente banalité des objets qui flottent ainsi, suspendus sur des cordes à linge, c’est aussi pour elle une façon de montrer l’envers d’un décor social, de mettre en lumière cet espace “frontière” du vêtement qui nous représente aux yeux des autres et qui nous colle une étiquette, une place bien définie au sein de la société.
LES ŒUVRES NUMÉRIQUES
Anouk Kruithof – Universal Tongue (Les Docks Vauban)
Universal Tongue est une collection vidéo de l’humanité en train de danser, un projet qu’Anouk Kruithof nomme elle-même un “Dancyclopedia”. Sous l’impulsion de l’artiste, une équipe de 52 “collecteurs”, répartis à travers le monde a rassemblé via les réseaux sociaux (Youtube, Facebook et Instagram) 8 800 vidéos de danses de tous genres interprétées par des amateurs ou des professionnels, des enfants, des adolescents, des adultes ou même des avatars, dans le monde de la réalité virtuelle. L’installation a été présentée dans différentes institutions, notamment au musée Tinguely de Bâle, où les vidéos étaient présentées sur 8 grands écrans qui envahissaient l’espace d’exposition. La version proposée aux Docks du Havre consiste en un grand écran présentant un enchaînement de ces vidéos de danseurs et danseuses du monde entier, sur une boucle de 4 heures. Une composition sonore aux rythmes électros a été créée spécialement par l’artiste et designer Karoliina Pärnänen pour accompagner ces vidéos.
Anouk Kruithof qualifie son œuvre de projet “horizontal”, puisqu’il efface de fait les hiérarchies établies entre les pays, les continents et les cultures en les réunissant sur le seul plaisir de ces corps en mouvement. « Universal Tongue est née de ma fascination pour les vidéos de danse postées en ligne et qui sont représentatives de l’expression de soi, l’affirmation de notre identité culturelle, de notre puissance et de notre joie. La danse montre que l’humain est interconnecté dans ses expériences – l’unité dans la diversité. Ce travail montre comment la danse s’est développée à travers l’histoire comme partie intégrante de notre culture médiatique mondialisée, et de nos jours, elle se manifeste sur Youtube et Instagram. Et nous allons continuer de danser. On danse seul, avec style, avec une webcam, dans des cercles sociaux ou avec nos semblables. Universal Tongue nous montre dans notre habitat naturel, en ligne et hors ligne, évoluant dans cette époque de connexion permanente et de validation mutuelle de notre propre singularité, un accomplissement humain et joyeux. » Le site internet dédié au projet (universaltongue.com) présente toutes les danses répertoriées par ordre alphabétique.
Grégory Chatonsky – La ville qui n’existait pas
Le Havre a été détruit en septembre 1944 puis reconstruit de manière planifiée entre 1945 et 1964 par Auguste Perret. Ces événements ont créé l’identité paradoxale de la ville à partir d’une histoire lacunaire, recouverte et sédimentée. Sous le sol, il y a sans doute des vestiges et des souvenirs oubliés, une absence qui a laissé des traces. L’histoire est le produit de cet incessant parcours entre la destruction et la reconstruction, la mémoire et l’oubli.
Les espaces latents est le premier épisode du triptyque La ville qui n’existait pas, une utopie imaginée par Grégory Chatonsky. Grâce à des intelligences artificielles alimentées par le fonds d’archives photographiques de la ville, l’artiste a créé des images d’une ville qui ressemble étrangement au Havre. On y retrouve des lieux et des personnages, des bâtiments, mais dans des versions alternatives. Ces images nous racontent l’histoire d’un monde légèrement différent, comme si la réalité entière avait subi une légère inclinaison et emprunté un tout autre chemin que celui que nous connaissons.
Sur 25 murs de bâtiments du bailleur social Alcéane, des fresques partants d’archives photographiques, antérieures à la destruction de la ville, reconstruisent des paysages baroques, où l’infiniment petit côtoie l’immense, racontant par ce changement d’échelle une autre révolution industrielle dans laquelle la nature et la technique ne seraient pas séparées, où les racines et les tuyaux seraient mêlés et où la pollution et les déchets se mélangeraient aux paysages en revenant au lent travail d’érosion de la Terre.
Réparties dans différents quartiers du Havre (Bléville, Les Neiges, Aplemont-Frileuse, Saint- François, Caucriauville, etc.), ces fresques s’adressent aux habitants et mêlent l’histoire, passé des archives, le présent des documents et le futur imaginé par les intelligences artificielles, comme s’il fallait en passer par la déconstruction et la réparation de l’existant pour réouvrir l’avenir. Chacune de ces fresques est une fenêtre sur un monde “contrefactuel”, une ville imaginaire qui revisite notre histoire et qui nous dit ce qu’elle aurait pu être, ce qu’elle pourrait être à l’avenir si nous nous émancipions des chaînes de la causalité.
Dans différents bâtiments administratifs, d’autres photographies générées par une intelligence artificielle, produisent des versions alternatives et en ruines des lieux d’attente et de loisirs, adaptant la fameuse Vue de la Grande Galerie du Louvre en ruine d’Hubert Robert. Parallèlement, l’artiste a voulu associer ce travail à une réflexion sur la rareté de l’œuvre d’art et à un large public en créant avec l’aide d’une intelligence artificielle une série infinie de cartes postales uniques représentant les gestes et les habitudes des habitants de ce Havre alternatif entre les années 50 et 70. S’y imagine une autre histoire : un peuple qui attend, sur les rivages, des formes abstraites qui arrivent par vagues, etc. En les ramenant sur la terre ferme, ils en font le centre de leur socialité, lisant, dormant ou dansant autour de ces formes. De carte en carte, une narration se dessine qui formera le fondement du second épisode, en 2024
Proposant une véritable réflexion à l’échelle de la ville sur le numérique et l’espace public, Grégory Chatonsky est artiste associé d’Un Eté Au Havre pour les trois prochaines saisons.
LES ŒUVRES DANS L’ESPACE PUBLIC
Mathieu Mercier – Liberté, etc (Hôtel de Ville)
Sur le fronton de l’Hôtel de ville, Mathieu Mercier s’amuse à prolonger la devise républicaine “Liberté, Égalité, Fraternité” par douze mots se terminant par le suffixe “té” et évoquant le plaisir, le désir ou le savoir-vivre. “Volupté, diversité, curiosité, sensibilité”, etc. viennent ainsi encadrer les principes républicains avec humour et légèreté, dans une démarche habituelle de l’artiste : analyser des contextes et opérer des décalages qui obéissent à des principes ou des règles simples. L’œuvre devient un véritable jeu de mot à l’échelle architecturale, épousant le rythme des colonnes du célèbre monument d’Auguste Perret.
En parallèle, l’artiste propose de distribuer gratuitement au public une maquette en carton à monter soi-même, reproduisant l’Hôtel de Ville et son nouveau fronton, augmenté de l’implantation temporaire des mots autour du fronton républicain. Elle sera diffusée tout au long de l’été au point de médiation et permettra au public d’emporter gratuitement un souvenir de cette intervention.
Stefan Rinck – It Owl + Buffalo Croc (Hôtel de Ville)
« Je m’intéresse à la littérature, l’histoire de l’art, la géologie, l’art conceptuel, les bandes dessinées d’après-guerre, le modernisme… Je trouve mon inspiration dans les livres, sur internet, et dans les jeux vidéos. La mythologie grecque rencontre Pacman. Ce n’est pas uniquement de l’histoire – nous vivons dans l’instant présent après tout. »
Taillées dans la pierre, deux sculptures de Stefan Rinck prennent place en face de l’Hôtel de Ville. It Owl (2021), du haut de ses 4,30 mètres, sera accompagnée de Buffalo Croc (2022), œuvre et banc à la fois. Représentatives de l’œuvre sculptée de l’artiste, ces deux figures convoquent des créatures diverses, qui tirent leur inspiration des mythes anciens, bestiaires médiévaux et légendes aztèques, mais qui puisent aussi de manière iconoclaste dans la pop culture, les emojis ou l’histoire du cinéma. Drôle, étrange et chimérique, les idoles bigarrées de Stefan Rinck brouillent nos histoires contemporaines et semblent réconcilier des formes et des mémoires en apparence contradictoires.
L’artiste parle d’une « abstraction sauvage » pour qualifier son travail, où l’histoire, la psychologie, les rituels, le fantasme, la magie, l’esthétique et la création manuelle convergeraient pour révéler tout ce que nous avons enfoui dans notre subconscient. Techniquement, sa pratique s’appuie sur la tradition ancienne de la sculpture de taille. Ses œuvres en gardent une aura brutaliste, elles nous dévoilent dès que l’on s’en approche toutes les scories de “combat” contre et avec la pierre.
Léo Fourdrinier – Mind and senses purified (Panoramic Sea)
Pour Un Été Au Havre, Léo Fourdrinier propose une réinterprétation de son installation présentée à la biennale de Lyon 2022. Combinant des références à l’histoire et à la culture populaire, l’installation Mind and Senses Purified s’inspire du concept d’ ”anthologie” de Jacques Derrida, qui décrit un monde présent hanté par les traces du passé. Intitulée d’après le refrain de la célèbre chanson de clubbing de la chanteuse Gala Freed From Desire, l’artiste a mis en place des gradins qui permettent aux visiteurs de s’asseoir face au port de plaisance. À droite, un point de vue inédit s’ouvre sur la mer, tandis que la ville se dévoile à gauche. Les gradins sont ornés de l’inscription « Mind And Senses Purified », représentée en lettres lumineuses. La phrase qu’on pourrait traduire littéralement par “Esprit et sens purifiés” s’interprète à ce point précis de rencontre entre la ville et la mer. D’après la chanteuse : « “Freed from desire” est une prière. À l’époque, je voulais changer le monde, rassembler tout le monde autour d’un seul but. Je voulais réunir tout le monde autour d’une chanson pour expliquer que l’essence originelle du mal, c’est l’avarice. Cette chanson est une invitation à suivre ses rêves sans jamais perdre de temps sur les possessions matérielles. »
(Panoramic Sea) fait directement écho à une performance de l’artiste Tadeusz Kantor qui date de 1967. La pratique artistique de Léo Fourdrinier explore différents domaines tels que le théâtre, la poésie ou encore l’Histoire de l’art. En combinant sciences, technologie, références issues de la mythologie ou de la pop culture -le tout dans un univers lyrique- il invite avant tout le spectateur à une expérience émotionnelle, une introspection.
Isabelle Cornaro – Coupes
Pour Un Été Au Havre, Isabelle Cornaro poursuit ses réflexions sur les objets et leur image, sur la notion d’original et de copie. Invitée à intervenir sur la gare du Havre, l’artiste s’est inspirée de l’emblématique église Saint-Joseph, qui l’a beaucoup marquée lors de ses séjours. Elle en a imaginé une double relecture, un hommage dédoublé au talent d’Auguste Perret. En ouverture de la saison, elle métamorphose les grandes baies vitrées de la gare du Havre en s’inspirant du nuancier de couleurs des vitraux de l’église, dessinés par Marguerite Huré. Comme si les mille facettes colorées du monument venaient épouser le bâtiment de la SNCF, une multitude de teintes savamment agencées jouent avec les mouvements du soleil et des nuages pour faire vibrer le parvis extérieur et le hall intérieur de la gare. Ainsi transformée, la gare devient un écho, une résonance aux incessantes variations chromatiques du célèbre édifice Havrais.
Pour la clôture de la saison, l’artiste dévoilera pour les journées du patrimoine une œuvre-hommage à la flèche de Saint-Joseph qu’elle a choisi d’interpréter dans une grande sculpture en bronze oxydé de près de 4 mètres de haut, qui rejoindra la collection d’œuvres pérennes d’Un Été Au Havre.
Avec le titre Coupes, les deux pièces évoquent tout particulièrement le vocabulaire cinématographique et photographique. Ce sont en effet littéralement des coupes dans le paysage Havrais, des éléments prélevés qui deviennent autonomes, des fragments empruntés à un emblème de l’histoire de la ville qui s’émanciperaient ici, pour prendre une autre vie dans notre présent. L’œuvre d’Isabelle Cornaro se déploie sur différents supports et à l’aide de nombreuses techniques : installation, dessin, sculpture, peinture ou vidéo. Elle s’intéresse notamment aux relations qu’entretiennent les objets décoratifs avec la notion de “valeur” dans l’histoire de l’art. Profondément
curieuse et attentive aux formes qui nous entourent, même les plus banales, elle invente toujours des situations qui jouent sur la perception de ce que l’on croit connaître ou reconnaître. Elle explore également les relations qu’entretiennent formes et langage (transposition de figures peintes en objets, de films en partitions graphiques, de techniques artistiques anciennes dans des pratiques contemporaines, du vocabulaire de l’art minimal dans un langage émotionnel, etc.)
Fleur Helluin – Palinopsie
Un projet en coproduction avec “Mondes Nouveaux” (programme mis en place par le Ministère de la culture destiné à soutenir la création artistique après la crise sanitaire. Dans le cadre du volet culture de France Relance, 30 millions d’euros ont été consacrés à ce programme de soutien novateur à la conception et à la réalisation de projets artistiques.)
Palinopsie est une sculpture en verre synthétique dichroïque et acier qui se base sur les plans du Regelbau M272, une casemate pour batterie de marine, dont plusieurs exemplaires ont été construits en Normandie pendant la Seconde Guerre mondiale. La casemate, bâtiment de mort, opère une métempsychose architecturale pour renaître en un volume de lumière. Les murs de béton ont été remplacés par les vibrations des couleurs en mouvement et le cœur du bâtiment a troqué le canon pour un vide que le public peut occuper.
Le titre Palinopsie désigne un phénomène optique caractérisé par la persistance anormale ou la réapparition des images après disparition de celle-ci.
Le Regelbau M272 se prête particulièrement bien à cette vision. Esthétiquement fort, il est composé de différents plans géométriques pouvant se transposer dans une construction en verre synthétique dichroïque et acier. Palinopsie ne reprend pas de façon exacte le plan du M272, mais s’en inspire pour créer une structure architecturale inédite. Il s’agit d’une sœur lumineuse et vivante de ce bâtiment de guerre.
Fleur Helluin est une artiste française. Son travail prend la forme de peintures, sculptures et céramiques, soulignant avec poésie et humour les frictions entre le banal et le spirituel. L’artiste oscille entre Berlin et la Normandie, entre la culture pop et les légendes mythologiques, entre les filtres Instagram et le Quattrocento. L’humour formel de ses traits et de sa palette désamorce la menace des thématiques lourdes (genre, guerre, amour).
Ayant habité 14 ans à Berlin, l’artiste est particulièrement sensible au site à forte charge historique de la Batterie de Longues. Son grand-père maternel était résistant dans le Maquis Surcouf. Son grand-père paternel a participé à la bataille de Dunkerque et lui a souvent parlé des heures passées entre mer, terre et ciel. L’espérance d’une amitié forte entre les peuples et leur réconciliation font partie des valeurs fortes de leurs héritages.
Pier Sparta – L’Aurore apparaît (Hôtel du Bocage de Bléville)
« Mon travail se développe à la manière d’un répertoire de personnages constituant une sorte de famille à la fois recomposée et décomposée. Une forme d’interdépendance s’instaure entre les sculptures. Cela donne lieu à des narrations s’inscrivant dans une idée de temps et de durée et ainsi portant en elles une préoccupation constante pour la vie et la mort. Mon travail puise ses sources dans les rapports humains et les formes historiques de l’art ».
Pour Un Été Au Havre, Pier Sparta est invité à créer une œuvre présentée sur le parvis de l’Hôtel Dubocage de Bléville, où se tient durant tout l’été une exposition sur l’histoire du commerce triangulaire. Puisant dans son vocabulaire plastique souvent composé de matériaux naturels (terre, bois, cordes, etc) l’artiste a imaginé un grand vaisseau sculpté dans un tronc de chêne centenaire, issu d’une forêt normande. Sorte de grand Drakkar, cet inquiétant corps naviguant porte dans son ventre un groupe de personnages dont on peut lire les différentes expressions et de très fortes émotions. On devine des femmes, des enfants, des hommes voguant vers une destination inconnue. Dans un style qui peut renvoyer au cubisme occidental, lui-même inspiré par les arts primitifs, l’artiste ne souhaite pas “illustrer” frontalement l’histoire de l’esclavage mais plutôt les forces d’une mer
dévorante, immense et inhospitalière, impitoyable.
Pour Pier Sparta, il s’agit d’ « âmes piégées dans les vagues de l’océan ». Théâtre où se jouent depuis des siècles les drames extrêmes de nos existences, le vaisseau devient ici le symbole de l’arrachement -à la vie, à la terre, à la dignité, à l’humanité, etc.- pour livrer ces corps à eux-mêmes, injustement prisonniers d’un destin lui-même livré aux autres.
Ces tensions extrêmes et ces extrémités de l’existence sont un sujet récurrent dans les œuvres de l’artiste qui semble vouloir donner forme à des sensations et à des sentiments que le discours peine à prononcer avec justesse. Les figures et les objets qui habitent ses sculptures semblent bien plus issus de poèmes ou de visions qui laissent beaucoup de place à nos interprétations.
Juliette Green – Que se passe-t-il dans un quartier quand on y installe une œuvre d’art ? (La Maison de l’Été – Place Perret)
Juliette Green présente à la Maison de l’Été deux projets inédits réalisés dans une technique graphique qu’elle affectionne particulièrement, qui mêle l’écriture au graphisme et au raisonnement par schéma, encore appelé “mindmapping”.
Le premier projet est une série de dessins muraux qui représentent des œuvres d’Un Été Au Havre inscrites dans la collection permanente. Autour de la représentation de ces œuvres, l’artiste reproduit de nombreuses phrases et citations, certaines étant imaginaires et d’autres issues d’un travail réalisé par l’association Cueilleurs d’histoires, qui a recueilli la parole de Havraises et de Havrais lors d’une déambulation durant laquelle il leur a été proposé de réagir face aux œuvres.
Le second projet se présente sous la forme d’un dessin narratif qui répond à la question : « que se passe-t-il dans un quartier quand on y installe une œuvre d’art ? » Le récit de l’artiste est entièrement imaginaire. Il commence par la description d’un quartier et des gens qui y vivent. Il se concentre ensuite sur un personnage précis : une artiste invitée par la ville pour créer une œuvre d’art sur la place qui se trouve au centre de ce quartier. Enfin, l’histoire dévoile les réactions de la population face à l’œuvre, qu’elles soient hostiles, neutres ou bienveillantes, etc.
Juliette Green nous invite ainsi à réfléchir à des thématiques telles que le vivre ensemble ou le partage de l’espace public, la circulation de la parole, la liberté d’expression et les nombreuses thématiques philosophiques et sociales que pose l’installation de l’art dans l’espace de la ville.