Les villes européennes appellent à passer à l’action face au phénomène des meublés touristiques.
Position commune de 22 villes européennes en faveur d’une meilleure législation européenne sur les plateformes de location de meublés touristique.
Nos villes européennes attirent toujours davantage les étudiants, les enseignants, les personnels de santé, les officiers de police, et tous les citoyens désireux de trouver un lieu pour vivre. Cette demande légitime se heurte à une pénurie grandissante de logements abordables, qui contraint sévèrement la capacité des villes à accueillir tous les publics.
Dans le même temps, les flux de touristes ne cessent de croître en Europe. L’Organisation Mondiale du Tourisme prévoit ainsi une augmentation annuelle de 7 millions de voyageurs chaque année, pour atteindre 487 millions en 2030[1].
L’Europe est la première destination pour les touristes du monde entier, et nos villes sont au premier plan pour l’accueil des touristes. Le tourisme représente une importante source de revenus et d’emploi pour de très nombreuses personnes. Nous sommes fiers d’accueillir des touristes du monde entier, et entendons bien le rester.
L’attractivité grandissante des villes, l’essor du tourisme et la pénurie constante de logements constituent des défis majeurs pour nos villes. Les stratégies des investisseurs immobiliers constituent l’un de ces enjeux majeurs, tant il est aujourd’hui de plus en plus intéressant pour les propriétaires de soustraire leurs logement du marché locatif de longue durée pour les louer sur de courtes durées, principalement à des touristes, et ce au détriment des familles désireuses de vivre et travailler dans nos villes.
L’essor des locations de meublés touristiques dans les villes européennes est très significatif. À Amsterdam, le nombre d’annonces est passé de 4500 en 2013 à 22000 en 2017. À Lisbonne, dans le quartier historique de l’Alfama, plus de 55% des logements ont été transformés en meublés touristiques[2]. Le centre de Florence connaît depuis 2015 une augmentation de 60% des meublés de tourisme. Cracovie a enregistré une augmentation de 100% des meublés de tourisme entre 2014 et 2017.
La croissance des meublés touristiques crée une pression grandissante sur les prix de l’immobilier, avec un impact direct sur l’offre de logements abordables et la diversité sociale des quartiers concernés.
Nous sommes inquiets pour la qualité de vie dans nos quartiers, tant la présence des meublés touristiques est devenue synonyme de nuisances dans l’espace public. Ainsi, une étude conduite à Amsterdam en 2018 montre que 80% des résidents du centre-ville ont eu à subir des nuisances liées aux meublés de tourisme. Nombreux sont les citoyens de nos villes qui rejettent ainsi la massification du tourisme dans leurs quartiers.
La régulation du phénomène se heurte à un obstacle majeur : le refus des plateformes de partager les données dont elles disposent avec les collectivités locales. Sans ces données, il est pratiquement impossible aux autorités locales de faire respecter les règlementations existantes, comme la limitation du nombre de jours de location, la fiscalité ou encore la règlementation incendie et sécurité.
De nombreux États-Membres de l’UE ont mis en place des obligations d’enregistrement, de manière à permettre une meilleure régulation des meublés de tourisme. Nous sommes convaincus que l’enregistrement des meublés est un outil essentiel pour aider les villes à mieux connaître le phénomène et à lutter contre les infractions.
La Directive Commerce électronique de 2000 relative aux services de la société de l’information a été adoptée bien avant le développement des plateformes en ligne. Nous accueillons donc avec beaucoup d’intérêt le souhait exprimé par la Présidente de la Commission Européenne, Mme Von der Leyen, de moderniser les règles qui s’appliquent aux plateformes, aux services et aux produits digitaux en matière de responsabilité et de sécurité. Pour ce qui concerne les locations de meublés touristiques, nous avons besoin d’un nouveau cadre législatif européen pour le Marché Unique numérique, capable de garantir que:
1 – La transmission de données par les plateformes de location de meublés touristiques aux collectivités locales est obligatoire
L’accès aux données donnera aux villes les moyens de faire respecter les réglementations destinées à protéger l’intérêt général, l’accès à un logement abordable et la qualité de vie de nos villes. Tant que nous n’aurons pas accès à ces données, la croissance aléatoire et disproportionnée des meublés de tourisme se poursuivra, au détriment de l’offre de logements abordables et de la cohésion sociale de nos villes.
2 – Lorsque l’enregistrement est prévu par les réglementations nationales ou locales, les plateformes devraient être contraintes à publier les numéros d’enregistrement des annonces qu’elles publient.
Les plateformes devraient également être contraintes de retirer les annonces qui ne présentent pas de numéro d’enregistrement.
3 – Les plateformes sont responsables du respect de leurs obligations au regard des législations et réglementations nationales et locales, dont elles doivent contribuer à garantir la mise en œuvre.
Les règles actuelles de responsabilité des plateformes et le respect des obligations légales sont effectifs dans les seuls États Membres dans lesquels les plateformes ont leur siège. Nous estimons que les plateformes doivent être tenues responsables en cas de non-respect des législations et réglementations dans tous les États Membres, notamment pour le partage des données et la suppression des annonces illégales. Le respect des lois doit être garanti dans tous les pays de l’Union Européenne, en particulier pour la suppression des logements sociaux des annonces si les règles locales l’interdisent explicitement.
Nous, villes européennes, accueillerons avec plaisir les nombreux touristes qui souhaitent nous rendre visite dans les décennies à venir. Nous comprenons l’intérêt que représentent pour ceux-ci les locations de courte durée. Mais notre premier devoir est également d’accueillir les citoyens qui souhaitent vivre et travailler dans nos villes. Nous devons prioritairement garantir la qualité de vie de nos quartiers. Pour cela, il nous faut trouver un juste équilibre face à ces enjeux majeurs.
La réponse ne peut pas être une « carte blanche » donnée aux locations de courte durée et nous espérons sincèrement trouver au sein de la Commission européenne, du Parlement européen et du Conseil des Ministres, des alliés dans cette approche.
Villes signataires
Amsterdam, Athènes, Barcelone, Berlin, Bologne, Bordeaux, Bruxelles, Cologne, Cracovie, Florence, Francfort, Helsinki, Londres, Milan, Munich, Paris, Porto, Prague, Utrecht, Valence, Varsovie et Vienne
[1] Source : European Union Tourism Trends, 2018, UNWTO
[2] Source : Financial Time, 5/9/2019, Are Airbnb investors destroying Europe’s cultural capitals ?