Les 18 et 19 septembre pour les Journées européennes du patrimoine l’Abbaye Royale de l’Epau présentent à ses visiteurs deux expositions, l’une consacrée aux trésors de l’art sacré et l’autre autour des œuvres de 7 photographes sur le thème de « l’itinérance ».
Située aux portes de la ville du Mans, l’Abbaye Royale de l’Épau est un ancien et majestueux sanctuaire cistercien fondé par la reine Bérengère en 1229. Classée monument historique, l’abbaye constitue l’un des plus beaux exemples d’architecture cistercienne en France. En 1204, Bérengère de Navarre, Reine consort d’Angleterre par son mariage avec Richard Cœur de Lion, s’installe au Mans pour y exercer son douaire en tant que veuve. Elle accompagna alors de nombreuses initiatives locales telles que la construction du chœur de la Cathédrale, finança la Maison-Dieu de Coëffort et implanta le couvent des Cordeliers. En 1229, elle décide de fonder une abbaye où elle sera enterrée l’année suivante. La construction débute en 1230 pour s’achever en 1365. Durant la guerre de Cent Ans, l’édifice est brulé par les Manceaux eux-mêmes, de peur que les troupes ennemies s’en fassent un siège. Un chantier de rénovation est mené par Guillaume de Bonneville entre 1440 et 1444. Plusieurs fois endommagé et transformé durant la Révolution et la Seconde Guerre mondiale notamment, l’édifice est finalement acquis par le Conseil général de la Sarthe en 1958. Débute alors un grand chantier de restauration qui durera 50 ans au bout duquel le site retrouvera son aspect originel du XIIIe siècle. L’abbaye est classée en 1973 mais dès 1965, elle devient un lieu culturel. Elle accueille, outre les séances de l’Assemblée départementale, de nombreux évènements culturels : concerts, conférences, expositions et de curieuses siestes électro au mois d’août.
L’art sacré en majesté
Le Conseil départemental de la Sarthe avec le concours du Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’environnement (CAUE) organisent jusqu’au 19 septembre une exposition d’envergure nationale à l’Abbaye Royale de l’Épau intitulée « Trésors d’art sacré – 30 ans de restauration par le département de la Sarthe » consacrée au développement de la peinture religieuse mancelle au XVIIe siècle et à sa restauration durant ces trente dernières années. L’exposition qui s’achève pour les Journées européennes du patrimoine se découvre en deux temps. Un premier temps est consacré à l’art pictural sarthois du XVIIe siècle. « Nous avons choisi de présenter cette période du maniérisme au baroque car c’est vraiment la plus intéressante. Par exemple pour le XVIe nous n’avons qu’une trentaine d’œuvres répertoriées dans le département contre presque 500 œuvres pour le siècle suivant » explique Anetta Palonka-Cohin, la commissaire d’exposition. Sous les majestueuses voutes de l’église abbatiale, cette partie présente quarante-huit tableaux restaurés au cours des trente dernières années et habituellement exposés dans les églises du département. Le choix scénographique, à caractère immersif, utilise le traitement de la lumière et se joue de l’absence de cette dernière pour mettre en valeur les œuvres. Parallèlement à cela, un traitement acoustique a également été imaginé à partir de chants grégoriens. Ainsi, ce paysage sonore favorise la complète immersion du visiteur dans l’exposition.
Trente ans de restauration locale
Le traitement de la lumière a pour objectif d’accompagner de manière subtile la découverte des tableaux. La scénographie suggère au visiteur de regarder les œuvres à la lumière d’une bougie comme au temps de leur création. « L’exposition montre l’évolution de la peinture de la province du Haut-Maine au cours du XVIIe siècle. Les peintres manceaux, tout en gardant leurs particularités provinciales, furent ouverts aux apports nouveaux venus du Nord de l’Europe et d’Italie. Leurs œuvres, également inspirées pour certaines par les grands maitres parisiens, ont marqué un tournant dans la production régionale » souligne Anetta Palonka-Cohin. La seconde partie de l’exposition valorise le travail des restaurateurs d’œuvres d’art, en s’appuyant sur des projets locaux, réalisés par des artisans d’arts de la région et soutenus par le Conseil départemental de la Sarthe. Treize œuvres (peintures sur bois, sur toiles et sculptures) sont présentées dans une muséographie à la fois sobre et épurée. Une installation à visée didactique, prenant la forme d’un tunnel, vient compléter l’expérience immersive du public. Ce tunnel pédagogique est entièrement axé sur les ateliers des peintres manceaux et leur travail de création. Au XVIIe siècle, les peintres s’appuyaient très souvent sur des copies, une pratique largement d’usage à l’époque. La matière sonore utilisée dans cet espace a pour objectif de favoriser la compréhension du visiteur. Elle associe les sons propres à un atelier d’artistes de l’époque.
Mamas Benz
Depuis 2013, une programmation d’expositions photographique est parallèlement développée sur le site par le Conseil départemental de la Sarthe dans les jardins et dans les salles de l’abbaye. Cette 9e édition permet au département de la Sarthe de valoriser la culture en exposant jusqu’au 31 octobre les œuvres de 8 photographes, Sandra Melh, Robert Doisneau, Tomás Munita, Floriane de Lassée, Michel et Dominique Beucher, Nicolas Boutruche, Kim Boske autour du thème de « l’itinérance ». Parmi ces photographes, Floriane de Lassée s’intéresse notamment aux « Mamas Benz », ces femmes africaines qui ont réussi à s’acheter des berlines allemandes Mercedes en faisant le commerce de wax, ce tissu coloré incontournable de l’Afrique de l’Ouest. Un tissu imprimé, dont le procédé vient de Java en Indonésie et qui a notamment fait la fortune de commerçantes au Ghana, au Bénin et au Togo à la fin des années 70 et dans les années 80. Avec un sens des affaires redoutable, ces femmes autodidactes et parfois analphabètes se sont montrées expertes en négoce international. La légende des « Mamas ou Nanas Benz » était née. Certaines ont investi dans l’immobilier, d’autres dans la culture, les structures de santé ou l’éducation. Autre lieu, autre époque, l’exposition met également en valeur le travail fondateur d’un photographe adulé et aujourd’hui disparu, Robert Doisneau, qui des années 1940 aux années 1990 a photographié toutes les musiques. Une carrière qui a été ponctuée de rencontres musicales toutes inspirantes pour son œil d’artiste.
L’envers du décor
Des bals populaires aux fanfares, en passant par les cabarets, il a croisé beaucoup d’anonymes mais aussi les musiciens de jazz et vedettes de son époque. Son amitié avec Jacques Prévert lui ouvre les portes de Saint-Germain-des-Prés et lui permet de tirer le portrait des grands jazzmen de son temps : Mezz Mezzrow, Bill Coleman, Django Reinhardt… Réalisateur et photographe, Nicolas Boutruche est de son côté parti du principe de faire de la photographie comme on fait des maisons de poupées, c’est-à-dire de retirer la façade et de voir de tout ce qui se passe à l’intérieur. Avec la série « Voyeurisme au 1/10e », l’artiste nous invite à observer ce qui se déroule dans l’intimité des foyers : derrière les murs d’un hôtel, d’une maison, d’un chalet, d’une caravane… l’envers du décor. « En règle générale, les gens ne sont pas forcément à leur avantage. Je leur explique toujours quand ils viennent poser que je ne vais pas forcément faire une belle photo d’eux, mais que je vais essayer d’aller chercher le côté un peu crade et caché de leur vie et de leur personnalité » explique Nicolas Boutruche. Véritable voyage photographique et culturel, la saison photographique est affichée au sein de l’abbaye cistercienne de l’Épau, mais également en dehors des murs de l’abbaye, en plein cœur du centre-ville du Mans : à l’Hôtel du Département, sur les grilles du Parc de la Préfecture et à la gare, ainsi que sur certaines écluses du département de la Sarthe.
Jardin permacole
Joyau de verdure aux portes de la ville accessible en tramway, l’Abbaye Royale de l’Épau dont les jardins sont ouverts gratuitement au public ne cesse de se renouveler. En 2020, en dépit de la pandémie, les illuminations de Noël ont attiré presque 40 000 personnes tandis que les expositions photographiques accompagnent désormais le visiteur au-delà du bâti médiéval. Un jardin permacole qui respecte et utilise les écosystèmes naturels a été créé pour que les produits de l’abbaye soient servis au café des moines. L’Abbaye dispose également d’un verger conservatoire, avec des pommes anciennes cultivées en partenariat avec les « Croqueurs de pommes » de la Sarthe. Des ruches ont été installées et un verger de fruits rouges a été planté pour pouvoir faire des compotes et des confitures. Petit à petit, le jardin reprend ses droits pour le plus grand plaisir des familles et de ses nombreux visiteurs.
Site de l’Abbaye de l’Epau : https://epau.sarthe.fr
Horaires
Du 1er septembre au 31 octobre :
Ouvert tous les jours sauf le mardi de 11h00 à 18h00
Tarifs
- Adulte : 5,50€
- Réduit : 4,00€ (demandeur d’emploi, étudiant de moins de 30 ans, personne en situation de handicap)
- Jeune – 10-17 ans : 3,00€
- Gratuité : enfant de moins de 10 ans, accompagnateur d’une personne en situation de handicap
- Tarif groupe – à partir de 15 personnes : 4,50€
- Carte reine Bérengère (accès illimité à l’Abbaye pendant 1 an) : 15,00 €