Alors que le secteur tourisme souffre comme jamais, le ou la secrétaire d’état au tourisme n’est toujours pas nommé par le nouveau gouvernement. Pourtant il y a urgence !
La crise sanitaire de la Covid 19 a profondément boulversé le monde du tourisme qui s’attend à une année noire. Près de 40 milliards d’euros devraient être perdu cette année dans le secteur, et beaucoup d’entreprises déjà en difficulté ne passeront pas l’année. Dans ce contexte Infotravel à rencontré Pascale-Fontenel-Personne, députée de la Sarthe et Présidente du groupe tourisme de la Majorité à l’Assemblée nationale afin d’avoir son point de vue sur l’avenir du tourisme en France.
Infotravel: Vous travaillez depuis pas mal d’années sur les dossiers tourisme, vous êtes porteuse de projets et d’avancées sur la filière tourisme. Quelles sont les principales difficultés que vous relevez pour que ce secteur se réforme en profondeur ?
Pascale-Fontenel-Personne : Nous devons faire reconnaitre le tourisme comme étant une économie faite d’éco-systèmes irriguant l’ensemble des territoires.
Malheureusement, il manque depuis de nombreuses années un interlocuteur politique clairement identifié pour achever cette reconnaissance politique.
La France a tendance à penser que le tourisme se porte bien, qu’il faut le laisser faire, que la manne financière est acquise. Pour autant, Il y a des dizaines de chantier de réformes à ouvrir, pour justement anticiper les changements de consommation et rendre le secteur touristique français plus agile. Dans le secteur, nous savons depuis des années que le tourisme de demain sera celui des territoires, celui du social, celui du durable. Mais le politique n’a pas suivi par un manque de connaissances du secteur.
Le Comité de Filière Tourisme installé cette année est le bon périmètre pour proposer et impulser un nouveau tourisme. Un contrat de filière sera proposé à la fin de l’année par les présidents des commissions Valérie Boned, Laurent Queige, et Nicolas Dayot. J’ai échangé avec eux, ils font un excellent travail. J’aiderai au portage politique de ces propositions. Le Comité de Filière est l’avenir de la gouvernance du tourisme en France mais le situer à l’étage régional me semblerait plus adapté. Il faut que son rôle soit central dans les prochaines années pour que nous puissions nous appuyer directement et sans filtre, sur les professionnels du tourisme. S’il n’y a pas de Ministre du Tourisme, soyons tous Ministres du Tourisme.
Pascale-Fontenel-Personne : Issue directement du Grand débat national, la difficulté à partir en vacances est largement pointée du doigt par nos concitoyens.
Le Premier ministre m’a donc confiée en mars 2019 la mission de diagnostiquer les freins au départ en vacances. Mon rapport « Tourisme pour tous » avait pour objet d’identifier les pistes d’actions pour développer le tourisme domestique pour l’ensemble des Français, quels que soient leurs revenus et origine sociale.
Des annonces issues du rapport que j’ai remis en septembre dernier ont été faites par le Gouvernement au mois de juin. Après la crise donc.
Comme je l’ai préconisé, les chèques-vacances vont être davantage exploités avec une réforme de l’ANCV qui permettra une diffusion plus large. Ancienne collaboratrice d’André Trigano, le créateur des chèques vacances, j’avais fait de ce combat mon fer de lance. C’est un outil très efficace du tourisme pour tous.
Aussi, les colonies de vacances vont être développées et les politiques VACAF de nos Caisses d’Allocations Familiales vont être harmonisées sur tout le territoire. Tout cela va dans le bon sens. Mais je pense que l’on peut aller encore plus loin. Notamment en ressuscitant le billet SNCF congés annuels. Pour partir en vacances, il faut arriver à destination, il y un vrai travail à faire sur ce poste de dépenses qui pour beaucoup, fait la différence entre un départ en vacances ou non.
INFOTRAVEL : Vous êtes la nouvelle secrétaire d’état au tourisme quelles seraient vos toutes premières mesures ? et votre vision à moyen terme du secteur ?
Pascale-Fontenel-Personne : Peu importe que je sois Députée ou Secrétaire d’État au Tourisme, mes prochains combats sont clairs : les contrats saisonniers, les guides-conférenciers et les agences de voyages et l’évènementiel.
Je viens du secteur, je suis une opérationnelle, nous ne pouvons attendre davantage, si nous ne faisons rien pour ces acteurs, les dommages seront irréparables.
Les contrats saisonniers comme les guides conférenciers ont été durement touchés lors de la crise. Sans eux, le tourisme ne reprendra pas. Ce sont ceux qui font le tourisme en France. Ce sont les serveurs du restaurant de bord de plage, le tenancier du bateau-mouche sur la Loire, les guides du Château de Versailles, bref, les visages de notre tourisme.
Sans visibilité, c’est la précarité. Il est donc urgent de réassurer rapidement ces professionnels du tourisme par des indemnités si nécessaire et un calendrier précis des aides. Il y a un gros travail à mener rapidement avec le Ministère du Travail sur les CDD d’usage, l’allongement des contrats saisonniers et des droits au chômage.
Pour les agences de voyages, nous, l’État, avons mis en place l’ordonnance dite « des avoirs ». Largement saluée et efficace pour préserver le fonds de roulement de ces entreprises, l’ordonnance a rendu la relation voyagistes/voyageurs explosive. Nous devons clarifier. Nos voyagistes ne peuvent se retrouver en porte-à-faux vis-à-vis de leurs clients. Sans eux, ils ne rebondiront jamais. À ce sujet, j’ai contacté UFC Que choisir pour apaiser immédiatement la situation. Nous ne pouvons pas attendre l’escalade qui s’installe sans risquer des faillites en nombre et des consommateurs jamais dédommagés. J’ai rendez-vous avec eux dès demain.
La filière a besoin d’un interlocuteur qui sache se faire entendre, particulièrement au moment où le Plan de Relance Français et Européen est en cours de construction. Nous devons investir pour un tourisme plus local, durable et social. Le Tourisme pour tous permet de revitaliser nos territoires, de réveiller le potentiel des trésors touristiques locaux souvent endormis. C’est LA solution pour sortir de ce tourisme de masse que nous avons tant voulu mais qui n’est plus adapté écologiquement et économiquement.
Enfin, le tourisme de demain ne peut se faire sans l’Europe. La France est leader, nous devons être la locomotive qui permettra de vendre la destination Europe dans le monde. Je propose la création d’un Atout Europe avec des moyens, sur le modèle d’Atout France. Construisons les bases d’un nouveau tourisme avec les trésors Français mais aussi Européens que nous possédons.
L’un ne va plus sans l’autre.
Présentation :
Issue du secteur touristique, Pascale Pascale-Fontenel-Personne est députée de la Sarthe et Présidente du groupe tourisme de la Majorité à l’Assemblée nationale. Bras droit d’André Trigano en tant que Directrice de Développement pendant des années puis chef d’entreprise dans le tourisme, elle est auteure du rapport gouvernemental « Tourisme pour Tous » qui a nourri les annonces du Gouvernement fin mai.
