A seulement 85 kilomètres au nord de Bangkok, en remontant la rivière Chao Phraya, se trouve une extraordinaire cité où règnent les vestiges d’un glorieux passé.
Il s’agit d’Ayutthaya l’ancienne capitale du royaume de Siam détruite par les Birmans au 18e siècle.
En 1767, après de nombreuses tentatives infructueuses, les armées birmanes lancèrent une nouvelle et dernière attaque sur la ville d’Ayutthaya qu’ils parvinrent enfin à conquérir. Dans la confusion générale, ils s’emparèrent du roi, chassèrent ses habitants et firent des milliers de captifs qu’ils réduisirent en esclavage. Seule une cinquantaine de temples échappèrent à la destruction de l’armée. Quant aux habitations et au palais royal, ils étaient construits en bois et n’ont donc pas survécu à l’anéantissement de la ville et à l’usure du temps, la pierre étant exclusivement réservée aux temples sacrés. Ainsi s’achève brusquement et par le sang l’histoire de la glorieuse et resplendissante capitale du royaume du Siam. Au temps de son apogée, l’une des plus vastes agglomérations urbaines de son temps s’étendait sur plus de 289 hectares. Elle a abrité plus d’un million d’habitants, 33 rois, 30 000 prêtres, 1 700 temples et près de 400 bouddhas dorés à l’or fin, tandis que ses frontières s’étendaient jusqu’aux territoires de l’actuel Laos, du Cambodge et de la Birmanie. Pourtant, elle ne fut jamais reconstruite au même endroit. Après la chute d’Ayutthaya, la nouvelle capitale du royaume fut établie à Bangkok et ses ruines constituent aujourd’hui un vaste site archéologique pour le plus grand bonheur des Thaïlandais et des touristes.
Une naissance légendaire
Tout commence 417 ans en arrière. En 1350, Sukothai, la capitale du royaume de Siam, est alors en déclin et les Khmers qui dominaient la région sont mis à mal par les Mongols. Le prince thaï U Thong (futur roi Rama Thibodi Ier – 1351-1369) décide d’implanter une nouvelle capitale plus au sud, à Ayutthaya. Le lieu fut choisi en collaboration avec les conseillers et les chefs de guerre du monarque. Alors que les militaires lui conseillaient les plaines du sud où l’on aurait pu voir les ennemis approcher au loin, les sages auraient recommandé au roi de chercher la « nam », c’est-à-dire l’eau, à l’endroit où elle s’écoule en spirale. Un ancien site khmer situé au croisement de trois rivières, Mae Nam Lopburi, Pasak et Chao Phraya, retint l’attention des émissaires du roi. Lorsque les premiers coups de bêches furent donnés, les architectes remarquèrent la présence d’un escargot et de sa coquille, soit la spirale évoquée par les sages.
Ayutthaya l’invincible
La nouvelle capitale du royaume était née. Elle s’appela dans un premier temps « Ayothaya », un nom trouvant ses origines dans le mot sanskrit « Ayodhya », la demeure du dieu Rama décrite dans le « Ramayana », la plus courte des deux épopées mythologiques indiennes fondatrices de l’hindouisme. Après la victoire d’un des plus célèbres rois d’Ayutthaya, le roi Naseruan qui repoussa les ennemis héréditaires birmans, la ville fut renommée « Ayutthaya » signifiant « L’invincible ». Construite sur une île entourée de trois fleuves la reliant directement à la mer, cet emplacement stratégique la mettait à l’abri des attaques de navires de guerre étrangers et la protégeait également des inondations saisonnières. Entre le 14e et le 18e siècles, cette cité florissante devait devenir l’une des plus cosmopolites du monde, ainsi qu’un centre mondial de la diplomatie et du commerce.
Un rayonnement international
Idéalement située en haut du golfe de Siam, à égale distance de l’Inde et de la Chine et suffisamment en amont pour résister aux puissances arabe et européenne alors en expansion dans la région, la ville a su asseoir et étendre sa puissance en occupant le vide laissé par la chute d’Angkor. C’est ainsi que la cour royale d’Ayutthaya échangeait des ambassadeurs dans le monde entier, notamment à la cour de Versailles en France, de Mughal à Dehli, comme avec les cours impériales du Japon et de la Chine. Au quartier portugais vinrent s’ajouter d’autres campements étrangers en dehors de la ville. De nombreuses nationalités (Hollandais, Portugais, Anglais, Français) étaient ainsi présentes à Ayutthaya. Riz, épices, céramiques, ivoires, étoffes, étaient ainsi exportés au Japon, Chine, Moyen-Orient et Europe. La cité allait ainsi dominer pendant 417 ans une partie de l’Asie du Sud-Est.
Échanges avec la compagnie des Indes
C’est dans ce contexte qu’en 1678, un aventurier grec nommé Constantine Phaulkon arriva sur place avec la compagnie des Indes. Il sut obtenir les faveurs du roi Narai et influa fortement sur sa politique étrangère. Il fit notamment en sorte de privilégier les Français. En échange, le roi Louis XIV lui accorda l’ordre de Saint-Michel. Pendant ce temps, les relations avec la compagnie des Indes commencèrent à se détériorer. Les Bouddhistes accusèrent bientôt Constantine Phaulkon de vouloir convertir le roi et la population au christianisme. Peu après la mort du roi Narai, ses héritiers firent exécuter Phaulkon pour trahison. La cathédrale catholique Saint-Joseph érigée au 17e siècle date de cette époque. Reconstruite au 18e siècle, elle a gardé jusqu’à maintenant sa fonction d’église.
Fascination d’Angkor
L’architecture d’Ayutthaya, et plus largement l’architecture thaïlandaise, trouve son fondement dans la mythologie hindoue. A l’opposé de Sukhothaï, le royaume d’Ayutthaya montre une fascination pour l’empire khmer d’Angkor qu’il vient de conquérir. Le mont Meru, demeure des dieux (l’équivalent de l’Olympe dans la mythologie grecque) est ainsi à l’origine de la structure des temples. Une tour aux 33 étages représentant les 33 niveaux célestes doit normalement se tenir au centre des temples. Ce sont les « prangs » ou tours-reliquaires, pouvant être surmontés d’un trident, symbole divin d’Indra le roi de tous les dieux. Quant aux « chedis », ces tours en forme de cloche d’inspiration khmer, ils sont en général agrémentés d’une sphère représentant le centre du Nirvana. Ces chedis servent encore aujourd’hui à accueillir des reliques de bouddha (cheveux ou os), les cendres de la famille royale ou des lords Bouddha. Ils furent édifiés sur des terre-pleins incarnant le vaisseau de la rédemption propre à la religion bouddhiste. Ayutthaya adopte la forme d’un gigantesque Mandala (support de méditation de forme circulaire). Tout comme à Sukhothaï, autre ancienne capitale de Thaïlande, les édifices étaient entourés d’étangs symbolisant les océans séparant les hommes du royaume des dieux.
Patrimoine mondial de l’UNESCO
Après la chute d’Ayutthaya, la nouvelle capitale du royaume fut donc établie à Bangkok. Le roi Rama Ier (1782-1809) entreprit d’utiliser les briques des anciens bâtiments et fortifications de la cité pour la construction de sa capitale, suscitant un nouvel intérêt pour la ville disparue qui recommença peu à peu à se repeupler. D’ailleurs en Thaïlande, le nom officiel de la capitale Bangkok contient encore l’appellation « Ayutthaya ». Plus tard, le roi Rama IV (1851-1868) entreprit la restauration des temples de la cité légendaire. Finalement, en 1982 débuta le projet de faire d’Ayutthaya un parc historique. La cité fut classée en 1991 au patrimoine mondial de l’UNESCO. Aujourd’hui rien de tel que de parcourir la ville à vélo pour aller à la rencontre de ses fabuleux vestiges et ainsi, l’espace d’un instant, remonter le temps…
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