Un autre Vietnam s’ouvre depuis peu aux touristes dans les montagnes du Nord, loin des sentiers battus. Une mosaïque de paysages grandioses et de rencontres inoubliables… Juste beau et sublime !
Coiffées du traditionnel chapeau conique, le non bai tho , qui les protègent du soleil accablant, les femmes, l’échine courbée et les pieds dans l’eau, plantent d’un geste habile et précis les épis de riz. En ce mois de mai, sur la route de Tuyen Quang, située à environ 100 kilomètres à vol d’oiseau au nord d’Hanoï, les rizières sont en plein labours et le repiquage du riz mobilise toutes les familles. Le travail est harassant même pour ces énormes bœufs qui tirent péniblement leur charrue dans cette boue fraîchement retournée. En amont, la rivière Lo, bordée de hauts massifs couverts d’une végétation luxuriante, complète harmonieusement cette scène bucolique.
Les rizières suspendues
Une première rencontre qui nous ouvre la voie vers les montagnes du Nord, là où la vie s’est accrochée aux parois rocheuses malgré l’inhospitalité des lieux. Les communautés Hmong, originaire du sud de la Chine, s’y sont réfugiées il y a plusieurs décennies et y perpétuent leurs traditions ancestrales. Anciens nomades, ils ont réussi à dompter la moindre parcelle de terre, même les plus difficilement cultivables, et à canaliser l’eau venant des sommets pour perpétrer leur savoir-faire d’agriculteurs. Avec force, courage et ingéniosité, des qualités inhérentes à leur communauté, ils ont sculpté les collines, puis ensemencé la terre, transformant ainsi leur vie et les paysages.Mais avant d’explorer ces villages hauts perchés, notre voyage reprend son cours. Direction : la province de Ha Giang aux confins nord du Vietnam et de la Chine. Plus de 300 kilomètres à parcourir pour atteindre la petite ville de Dong Van, son chef-lieu.
Paysages poétiques
La route serpente parmi des décors impressionnants et poétiques. Au fil des kilomètres, comme pris dans une douce rêverie, nous avons l’étrange sensation de planer au-dessus de paysages changeant d’apparence à chaque virage. Les monts aux contours arrondis font place à une forêt d’énormes pains de sucre aux mamelons tendus vers le ciel. Sur les pentes, les cultures en terrasses inondées, semblables à des miroirs, scintillent au moindre éclat de lumière. L’ascension jusqu’au col de Ha Giang n’a pas fini de nous éblouir. Surtout lorsque le village de Quan Ba, perdu entre ces colosses de pierre entourés de verdure, se dresse au fond de la vallée. Une douce lumière teintée d’une brume vaporeuse illumine ce paysage à couper le souffle. Nous venons de franchir La Porte Céleste de Ha Giang.
Sur le marché de Yén Mihn
De retour sur terre : nous arrivons au marché de Yén Mihn. Le fumet du Pho, une soupe à base de nouilles et de bœuf que les Vietnamiens mangent au petit déjeuner se dégage des lourdes marmites. Les gargotes ont ouvert tôt ce matin pour accueillir les premiers clients. Une fois par semaine, les villageois débarquent en ville pour vendre leurs récoltes de légumes et de céréales, leurs cochons et leurs volailles. L’occasion aussi pour eux de faire des emplettes de tissus ou d’autres produits artisanaux. Ce rendez-vous hebdomadaire est le lieu de rencontre de toutes les communautés qui vivent dans les montagnes alentours. Et un véritable festival de couleurs.
Car ici, si les hommes ont adopté le noir, les femmes, coquettes, portent, en fonction de leur ethnie, un costume : tabliers et vestes brodées, rehaussées de rubans, guêtres enrubannées, chèches en laine, d’une couleur différente, un moyen facile pour réussir à les identifier. Des bijoux en fer-blanc et en argent complètent harmonieusement l’ensemble.L’ambiance est festive. Des femmes, expertes dans l’art de la broderie et du tissage, ornent ceintures, sacs et plastrons de superbes motifs multicolores. Des villageois, de grandes hottes pleines de victuailles calées sur le dos, déambulent. Sur des braseros rudimentaires cuisent d’appétissantes galettes de maïs ou au riz gluant que l’on peut déguster sur le pouce. Une opportunité pour nous, dans cette région peu fréquentée par les touristes de nous glisser discrètement dans les allées encombrées et de goûter à cette richesse culturelle.
De village en village
Après cette halte passionnante, nous reprenons la route, toujours à pieds. Car c’est la seule façon de pouvoir approcher les villages isolés dans la montagne. Les Hmongs sont les plus nombreux à s’être installés dans la région de Dong Van au cœur des massifs karstiques. Difficilement cultivables, les terres ont pourtant été colonisées pour la culture du maïs. Le moindre lopin de terre, même le plus improbable a été semé. Et lorsque l’on se promène sur ces sentiers escarpés, il est curieux de voir des épis de maïs jaillir entre les rochers. Il n’est pas rare de croiser des familles, comme celle de Sung Vansinh dans le village de Napung, comme suspendues aux pentes abruptes pour cultiver leurs champs. Cette année la récolte a été décevante. Et le tissu rouge accroché au-dessus de la porte pour chasser les fantômes n’aura rien changé à la donne.
Le temps des funérailles
Sur l’autre versant, une musique lancinante résonne au loin. Elle provient du village de Ban Senh où se déroule la cérémonie du chodac : les funérailles d’un ancien. Le chaman célèbre le défunt par des prières et des offrandes. Un groupe de musiciens joue pour son âme, et tandis que les notes s’élèvent vers les sommets, les villageois partagent la farine de maïs. Notre arrivée impromptue ne semble pas perturber les festivités. Des mains chaleureuses nous tendent même des verres d’alcool de riz. Une façon de nous associer à l’émotion collective et peut-être de témoigner leur surprise de voir des inconnus dans leur village coupé du reste du monde. Et nous de réaliser que sans cette randonnée, une telle rencontre n’aurait pas été possible.
La descente vers Hanoï se fait plus nostalgique. Le décor change très vite cédant la place aux lacs et aux forêts. Un stop dans la région du lac de Ba Be, le plus grand du Vietnam, fait office de sas avant de découvrir la trépidante ville de Hanoï. Ici, dans la province de Bac Kan, les maisons en bois sur pilotis proposent de larges terrasses où il fait bon écouter les gouttes de pluie ricochées sur l’eau. Mis à part quelques barques, l’unique moyen de transport, qui glissent sur les flots, ce lac est un véritable havre de paix. Que l’on apprécie avant de devoir plonger dans l’agitation urbaine. La transition risque d’être brutale.
Hanoï, l’intrépide
Au croisement de deux rues, des centaines de deux-roues s’élancent dans un vrombissement assourdissant. Les chaussées grouillent de monde, les échoppes pleines de marchandises débordent sur les trottoirs,…. Le coeur d’Hanoï bat à cent à l’heure. A côté de cette effervescence, le lac Hoan Kiem, cher aux Hanoiens, offre un joli lieu de promenade. La légende raconte que les Cieux auraient confié à l’empereur Ly Thai To une épée magique pour chasser les envahisseurs chinois. Une fois la mission accomplie, une tortue aurait surgi du lac pour la reprendre et la rendre à ses propriétaires. Le Temple de la littérature, construit en 1070 pour vénérer le penseur chinois Confucius, donne aussi un bel aperçu de l’architecture traditionnelle. Plus récent, le musée ethnographique vaut aussi le détour. A l’intérieur, c’est toute l’histoire du Vietnam qui s’y expose. Heureuse et dramatique, urbaine et rurale. Une invitation au voyage dans un autre Vietnam où la magie et la poésie ont toute leur place.
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Infos pratiques
Y Aller ?
Avec Vietnam Airlines (membre de l’Alliance SkyTeam) A partir de 751 € TTC les vols AR Paris/ Hanoï. Réservations au 01 44 55 39 90.
avec qui partir ?
Allibert Trekking propose « Aux confins chinois du Nam Viet ». A partir de 2095 € par pers. les vols AR Paris-Hanoï, les transferts, le circuit de 16 jours avec hébergement en chambre double en hôtel (3 étoiles), en gîte et en jonque privée, en pension complète (sauf repas du midi et du soir à Hanoï), et l’encadrement par un guide francophone. Ce voyage comprend aussi la visite de la baie d’Along. Rens. au 04 76 45 50 50 et sur allibert-trekking.com.
crédits photos : Nassera ZAID sauf DR