Dolce vita en Lombardie. Après la pénombre de la pandémie, la lumière d’une nouvelle renaissance.
Sacrées du titre de « ville italienne de la culture 2023 », les cités soeurs de Bergame et Brescia font la gloire de la Lombardie.
Vérone, San Remo, Capri, Rimini… : il est des sites d’Italie imprégnés d’imaginaire mais que l’on ne sait trop où situer dans la Péninsule bottée. C’est ainsi le cas de Bergame, qu’une sublime chanson de Diane Tell a popularisée : « Et juste à côté de Milan / Dans une ville qu’on appelle Bergame / Je te ferais construire une villa. »
Une ville tristement remise en lumière aux débuts de la pandémie, puisque la plus mortellement touchée du pays. Trois ans plus tard, la revoilà debout, plus rayonnante que jamais en cette année où, associée à sa voisine Brescia, l’Italie l’a sacrée « capitale culturelle 2023 ». Juste consécration pour ce coin de Lombardie que Stendhal vit comme une terre d’émancipation où règne la liberté de sentir et de penser, et comme la terre promise de l’amour et de l’art : « Les gens forts de ce pays dédaignent les lieux communs, ils ont le courage de hasarder les idées qui leur sont personnelles ; ils s’ennuient à répéter les autres. »
On est pourtant obligé de répéter qu’on est bien là sur un territoire de haute civilisation, où toutes les époques ont marqué leur empreinte dans la pierre, le patrimoine étant l’élément phare de cette labellisation. Une distinction à dimension internationale qui se décline autour de quatre thèmes : « ville et nature », « trésors cachés », « la ville qui invente » et « la culture comme remède » ; remède à la déchirure sociale des années covid.
A pied, à vélo ou en voiture, délicieuse fugue en tout cas que celle d’une découverte de ces deux cités via le romantique lac d’Iseo. A une heure des aéroports de Milan, elle commence donc dans cette Bergame dont les 5 km de murailles vénitiennes sont classées site Unesco. D’imposants remparts derrière lesquels le bourg médiéval parfaitement conservé ruisselle de pierres millésimées. Avec ses ruelles pavées de galets, ses demeures en pierre et ses tours, elle tient du tableau.
En quelques pas on voyage de la Renaissance au baroque, la Piazza Vecchia en étant le coeur avec le Palais de la Raison, la Tour civique, la cathédrale, la basilique Santa Maria Maggiore et la chapelle Colleoni. Une quintette de merveilles qui rend cette place, selon Le Corbusier, si parfaite que « même toucher une pierre serait un crime »
Le coeur de la cité haute bat aussi pour Gaetano Donizetti compositeur bergamasque du XIXe, le majestueux Teatro Donizetti lui étant dédié. De sa modeste maison natale au Palazzo où il finit ses jours, en passant par les fastes des théâtres de la ville, un itinéraire permet de pérégriner sur les pas du maestro. L’Accademia Carrara, elle, se veut gardienne de maints chefs-d’oeuvre des maîtres de la Renaissance italienne, tels que Botticelli, Titien, Mantegna, Canaletto et Raphaël.
De cette Città Alta, un funiculaire permet de se laisser porter vers la Città Bassa, contemporaine mais plaisante avec ses villas en style Liberty et ses vastes places, parfaites pour se laisser hâler à l’heure du Spritz de l’aperitivo, éventuel prélude à une soirée gourmande à l’une des innombrables bonnes tables de la ville haute, où une balade digestive s’impose dans le dédale de ruelles d’atmosphère nimbées d’un halo doré.
Passé l’enchantement de Bergame, cap à l’est jusqu’è celui de Brescia, avec escale au lac d’Iseo, le parcours étant désormais possible par une voie cyclable ou par la Via delle Sorelle. Courant sur 130 km, avec 700 m de dénivelé, sur fond de plaines, collines et montagne, ce chemin de randonnée se prévoit sur six jours et permet de découvrir 34 villages, dont celui de Nembro, l’un des plus pittoresques de Lombardie.
Remarquable aussi, le lac d’Iseo, à mi-chemin entre Bergame et Brescia, ce lac circulaire de 27 km étant connu pour sa petite île lacustre de Monte Isola, la plus haute et la plus grande de toute l’Europe centrale et méridionale. Le temps semble s’être arrêté autour des ses villages de pêcheurs et aubergistes. Une de ses routes bordées d’oliviers mène à son panoramique sommet, couronné d’un ancien sanctuaire à l’architecture baroque.
Cette romanesque parenthèse fermée, reste à s’ouvrir sur Brescia, villes des plus importantes du nord à l’époque romaine. Un musée à ciel ouvert ! Ainsi, la Piazza della Loggia raconte la domination de la république sérénissime, alors que la Piazza Paolo VI, avec ses deux cathédrales, conserve des traces de roman, baroque et néoclassique. Avec son monumental Palazzo delle Poste, la rigueur esthétique de la Piazza della Vittoria est quant à elle un exemple d’architecture rationaliste d’époque fasciste, tandis que le château de Brescia compte parmi les plus vastes ensembles fortifiés d’Italie.
Mémoires de pierre encore avec une vingtaine d’églises et le Teatro Grande, ce monument national aux cinq étages de loges étant riche d’un merveilleux foyer de style rococo. Toutes les époques ont en fait laissé leur empreinte dans cette ville deux fois millénaire, le site archéologique de la Brescia romaine, le plus étendu de l’Italie du nord, ayant été labellisé Patrimoine mondial. Partiellement d’origine, la façade à colonnes du Temple Capitolin se révèle particulièrement éclatante dans sa tenue de soirée, les rues voisines, ruisselantes d’histoire, invitant à la plus patrimoniale des flâneries.
Il faudrait encore évoquer le monastère-musée de Santa Giulia, où sont enfermés deux mille d’histoire, et la pinacothèque dont la collection s’enorgueillit de retables, fresques et grandes toiles : Raphaël, Titien et autres Véronèse, excusez du peu ! Autant de nourritures spirituelles qui ne doivent pas occulter les gourmandes. Risotto, scarpinocc, casoncelli et autres pâtes farcies : que d’auberges triées sur le palais ! Du verre à l’assiette, la Lombardie sait aussi se mettre à table, les fromages, par leur diversité, vous mettant déjà le terroir à la bouche.
Les vins lombards sont tout aussi racés, tel celui de la plus petite appellation contrôlée d’Italie. Issu de raisins séchés au moins vingt et un jours, d’où un rouge moelleux, le rare moscato di scanzo n’est en effet produit que sur le seul village de Scanzorosciate. On raconte qu’il était au XVIIIe siècle le vin le plus cher du monde.
Délices d’initiés… On aura compris que, de palais… en vieilles pierres, la Lombardie a tout pour plaire, la culture s’y déclinant sur tous les tons et par excellence. On peut même s’y ressourcer, au sens propre du terme. Ou plutôt du therme, puisque la ville historique du thermalisme, San Pellegrino, s’épanouit à une demi-heure de Bergame.
Une eau riche en minéralité qui « aide à maintenir un bon équilibre électrolytique dans le corps et soutient diverses fonctions métaboliques ». Et en cette Italie de la Vespa et de la dolce vita, on en a bien besoin !