La Commission européenne, le Conseil de l’UE et le Parlement européen envisagent de réviser le CE 261, le règlement européen sur les droits des passagers aériens.
Les compagnies aériennes ont exercé un lobbying actif en faveur de la révision, ce qui inquiète quant à la nature des changements qui pourraient ne pas être favorables aux passagers : érosion des droits, réduction de la qualité du service des compagnies aériennes et impact négatif sur la confiance des voyageurs.
Les voyageurs qui prennent l’avion cet été font face à désordre général. Plusieurs compagnies comme easyJet, British Airways, Lufthansa ont déjà annulé un nombre important de vols. Au moment où les passagers ont le plus besoin de leurs droits, la Commission européenne, ainsi que ses partenaires institutionnels, le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen, envisagent de réviser le CE 261. Les défenseurs des droits des passagers aériens tels que l’APRA s’inquiètent de l’intense activité de lobbying des groupes de compagnies aériennes qui pourraient tenter d’affaiblir la législation existante.
Une réglementation qui réduit les perturbations et améliore la confiance des clients
Le règlement n°261 a été introduit en 2004 pour lutter contre les annulations de vols et le surbooking, où les passagers pouvaient se voir refuser l’embarquement alors qu’ils avaient payé leur billet. En mettant en place une compensation financière pour les passagers, les compagnies aériennes sont incitées à améliorer leurs services et à minimiser les retards et les annulations. Une étude de 2018 publiée sur CEPOB (College of Europe Policy Brief), a constaté une diminution de 5% des retards entrainée directement par la réglementation.
L’impact est également visible en comparant les vols de l’UE à ceux de pays qui n’ont pas de droits établis pour les passagers aériens. Selon une analyse de marché de l’APRA datant de 2022, l’UE a 3 fois moins de retards importants (plus de 3 heures) que les États-Unis, où aucune législation similaire n’a été introduite.
Les droits des passagers aériens sont également essentiels pour améliorer la satisfaction des clients et leur confiance. Une étude menée par Lufthansa a révélé qu’un vol à l’heure et sans perturbation est l’un des facteurs qui compte le plus pour obtenir la satisfaction des voyageurs. Étant donné que le règlement 261 a un effet direct sur la ponctualité, l’assouplissement de la réglementation existante pourrait entraîner un pic de perturbations au niveau des vols et donc une baisse de la satisfaction globale. Près de 75 % des voyageurs estiment que le seuil actuel d’indemnisation des retards de vol – trois heures ou plus – devrait être abaissé.
Ce règlement est non seulement populaire en Europe – 91% des voyageurs de l’UE ont déclaré le soutenir dans une étude YouGov de 2020 – mais il est aussi considéré comme la norme mondiale en matière de droits des passagers aériens. Depuis 2004, des pays comme le Canada, le Royaume-Uni, la Turquie et l’Ukraine ont tous adopté des réglementations relatives aux passagers aériens influencés par EC261.
Un enjeu dans l’application du règlement
Bien que la version actuelle du réglement offre une forte protection, il est clair que son application n’est pas toujours respectée. L’analyse de l’APRA en 2019 a révélé que les compagnies aériennes rejettent à tort 58 % des demandes d’indemnisation valables, et les données sur les annulations de vols au cours des premiers mois de la pandémie révèlent que 22 % des passagers attendent toujours leur remboursement après deux ans.
Ces situations peuvent obliger les passagers à poursuivre la compagnie aérienne en justice pour obtenir la compensation qui leur est due. Et les tribunaux se prononcent très majoritairement en faveur des passagers – 9 fois sur 10.
Toute révision de la CE 261 devrait donc se concentrer sur une application plus stricte, en veillant à ce que les compagnies aériennes acceptent plus facilement les réclamations afin d’éviter aux passagers de longues procédures judiciaires.
Une forte protection des passagers bénéficie à l’ensemble de l’industrie des transports
La confiance dans les compagnies aériennes a atteint son plus bas niveau à la suite des premières annulations de vols Covid-19 en 2020. À cette époque, de nombreux gouvernements ont autorisé les compagnies aériennes à émettre des bons d’échange plutôt que de respecter l’exigence de CE 261 selon laquelle les passagers doivent se voir offrir un remboursement. Durant la crise actuelle, il est essentiel que l’UE maintienne ses mesures de protection des passagers, qui profitera autant aux compagnies qu’aux voyageurs.