Certaines activités de loisir en mer exposent à un traumatisme spécifique. Nous vous proposons de prendre, pour 4 des activités les plus pratiquées, une pathologie associée et d’en préciser leurs risques lésionnels et leur prise en charge en urgence.
Jet-Ski et trauma du poignet
En urgence, il s’agit d’un poignet aigu douloureux dont la clinique et le bilan radiologique conventionnel sont en général assez évocateurs si on y prête attention. Un patient présentant à l’examen des douleurs à la base du pouce avec un oedème de la tabatière anatomique, des douleurs à la pression et à la traction dans l’axe du pouce et au fond de la tabatière, est fortement suspect d’une fracture du scaphoïde (8) jusqu’à preuve du contraire. Si la tabatière est indolore, l’interligne scapho-lunaire doit être palpé à la recherche d’une douleur exquise. La jonction scapho-lunaire se situe à 1 cm en dessous du tubercule de LISTER que l’on repère facilement sur la face dorsale . Une immobilisation du poignet et de la colonne du pouce par une attelle spéciale ou par un plâtre permet en urgence de mettre le poignet en bonne condition. Un bilan radio s’impose. Il comprend : un poignet de face en inclinaison cubitale doigts fléchis poignet à 20° d’extension (Figure 1) et un poignet de profil strict.
Il faut savoir refaire ces clichés 10 jours après si un doute persiste. Les clichés en inclinaison cubitale (Figure 2) permettent de dévoiler un trait de fracture invisible sur une face standard.
Les fractures du scaphoïde non déplacées (trait inférieur ou égal à 1 mm) consolident grâce à une longue immobilisation de 8 à 12 semaines (si trait proximal) avec un plâtre parfaitement adapté. Les fractures du scaphoïde déplacées nécessitent une intervention chirurgicale qui sera fonction du siège et des lésions associées, car les risques de pseudarthrose sont importants.
Si les radios ne montrent pas de fracture il faut dépister les signes radiologiques d’une entorse grave scapho-lunaire par des clichés dynamiques (Figure 3) : poignet en inclinaisons cubitale et radiale maximales (Figure 4). Parfois, un arthro-scanner voire une IRM sont nécessaires.
L’instabilité sapho lunaire représente 90% des lésions ligamentaires (4) du poignet débouchant sur une intervention chirurgicale. C’est dire toute l’importance de les dépister précocement, car tout retard de diagnostic expose à la bascule du scaphoïde et donc à une instabilité du carpe de traitement difficile.
La fracture du scaphoïde et l’entorse grave scapho-lunaire non ou mal traitées seront responsables à moyen terme d’une arthrose radio-carpienne invalidante.
Ski nautique et entorse du genou
Lors des figures et à la réception des sauts, le genou est exposé aux entorses graves. L’hyperflexion du genou provoque une avancée du tibia avec risque de rupture isolée du ligament croisé antérieur (LCA) (2). Il convient en urgence de mettre en place une attelle en extension ou en légère flexion.
L’examen clinique, difficile en urgence permet d’étudier les différents ligaments et l’appareil extenseur. Il assure deux points importants : l’absence de luxation du genou car il n’y a pas de laxité latérale majeure, le genou ne « s’ouvre pas comme un livre » ; la gravité de l’entorse par l’existence d’un choc rotulien (Figure 5) témoin de l’hémarthrose.
Une radio permet d’éliminer une fracture associée et peut orienter le diagnostic de gravité si on retrouve : l’arrachement de Segond ou de l’épine tibiale antérieuro-interne. Enfin, la radio permet parfois de mettre en évidence une fracture partielle de la rotule permettant ainsi de porter le diagnostic d’instabilité de la rotule, diagnostic différentiel parfois difficile à faire.
L’IRM en urgence n’a pas sa place ni l’arthro-scanner. Le bilan clinique lésionnel est établi après 7 à 10 jours de repos dans l’attelle gardée 24h/24h. C’est alors que l’examen clinique prend toute sa valeur avec la recherche d’une atteinte des plans latéraux en varus, valgus forcé à 20° de flexion avec la palpation sur le trajet des ligaments et notamment de leurs insertions d’un Lachman avec arrêt mou témoin d’une lésion du LCA d’une instabilité de la rotule des points douloureux sur les ménisques.
L’IRM peut-être discutée à ce moment là, en cas de doute diagnostic.
L’atteinte isolée d’un plan latéral impose le port de l’attelle articulée avec renforts latéraux pendant un mois associée à une rééducation dès le 10° jour.
L’instabilité de la rotule impose la poursuite de l’attelle rigide pour encore 15 jours avec une rééducation secondaire pour stabiliser l’appareil extenseur dès que l’hémarthrose a disparu.
Enfin l’atteinte du LCA associée ou non à un plan ligamentaire latéral impose une rééducation immédiate. L’indication opératoire ne se posera que lors de la reprise des activités physiques et ou sportives. Deux cas nécessitent une réparation avant tout dérobement ou instabilité : les sportifs professionnels d’un sport à pivot ; les professions à risque de chutes mortelles comme les charpentiers, couvreurs etc…
La survenue ultérieure d’un dérobement, d’une hydarthrose ou d’une lésion méniscale (Figure 6) signe l’instabilité (7), et ce quel que soit le délai après cette entorse grave initiale.
Le genou devenu instable impose une ligamentoplastie pour les patients actifs de moins de 60 ans afin d’éviter l’évolution inéluctable vers l’arthrose 20 ans plus tard engendrée par les accidents d’instabilité successifs et leurs dégâts ménisco-cartilagineux.
Plongeon et rachis cervical
Les traumatismes du rachis cervical sont à redouter surtout lorsqu’ils surviennent en eau peu profonde.
Que ce soit devant : des cervicalgies, des contractures, un torticolis, des névralgies cervicobrachiales ou plus exceptionnellement un déficit neurologique à type de paresthésies, de signes pyramidaux voire de tétraparèsies. Il faut en urgence effectuer sans mobilisation : un bilan neurologique initial et une immobilisation rigide type minerve ou matelas coquille.
Le bilan radiologique initial (3) repose avant tout sur cliché du rachis cervical de profil strict et de qualité (Figure 7). Il sera complété par un cliché de face et un cliché de face bouche ouverte voire des clichés 3/4 si besoin.
Ce premier bilan radiologique est capital car il permettra de dépister les signes d’une entorse grave (Figure 8) (5).
Il permet aussi de diagnostiquer les fractures dont les plus fréquentes en plongeon se font en compression (Figure 9) (1). Ce sont les Tear-Drop fractures avec sur le corps vertébral un petit fragment osseux détaché du coin antéro-inférieur typiquement de C5, s’y associent des lésions disco-ligamentaires postérieures visibles aussi sur le cliché de profil.
Des radios normales imposent des clichés dynamiques volontaires (Figure 10) dès que la contracture musculaire a disparu pour démasquer les signes radiologiques de l’entorse grave.
Les signes de gravité imposent une prise en charge urgente par une équipe chirurgicale spécialisée où le bilan sera complété par une TDM au mieux hélicoïdale et ou par une IRM pour déterminer l’état lésionnel, les risques et entreprendre un traitement adapté.
Le traitement des entorses de moyenne gravité ou « whiplash injury » où le ligament vertébral commun postérieur est respecté et des entorses bénignes du rachis cervical repose sur le repos strict avec verrouillage cervical, traitement médical et si besoin collier rigide pour passer le cap aigu uniquement.
Natation et épaule douloureuse instable
La natation, que ce soit par les jeux de ballon ou par la nage type « crawl », peut mettre en danger un sujet jeune à l’épaule fragile et douloureuse.
Ainsi il est classique de rencontrer lors des vacances d’été un estivant l’épaule luxée (Figure 11) en pleine baignade. Très souvent la luxation (9) est une récidive. Une autre forme d’instabilité est représentée par une douleur aiguë antérieure sans luxation. Le patient se plaignant soit d’une impression de « bras mort » ou de douleurs antérieures voire postérieures type tendinopathie de la coiffe.
En cas d’épisode initial une radio est indispensable avant toute réduction.
Devant une luxation récidivante du sujet jeune, reconnue par le patient, il faut la réduire à « chaud » après avoir testé le nerf circonflexe. La technique recommandée doit toujours être réalisée sans douleur, sans médicament, en douceur et avec patience.
Nous conseillons la technique dite de « la chaise » (Figure 12) : on installe le sujet avec le dosseret dans le creux axillaire pour servir de contre-appui. Il ne faut pas hésiter à rajouter des coussins ou des couvertures si celui-ci est trop bas afin que l’épaule repose bien sur le dosseret, ce qui apporte déjà une certain soulagement. Il faut que le patient soit mis en confiance. Il faut donc lui faire raconter son passé médical, ses vacances, etc… tout en lui demandant de bien respirer profondément afin de détourner son attention et permettre ainsi son relâchement. On amène alors doucement le bras en rotation externe « sans aucune traction » (pour éviter toute douleur et toute contraction réflexe du deltoïde) et d’un seul coup la tête humérale revient à sa place. Le patient ressent aussitôt la remise en place de l’articulation avec sédation immédiate des douleurs. L’immobilisation simple en écharpe suffit. Parfois une anesthésie générale sera nécessaire afin d’éviter les douleurs et les lésions iatrogéniques par réduction forcée.
Il faut alors explorer l’articulation gléno-humérale afin de faire un bilan lésionnel qui permettra de définir le type, la direction et le traitement de l’instabilité de l’épaule le plus adapté possible.
Dans un premier temps : des radio simples suffisent si elles mettent en évidence des lésions osseuse dites de « passage », signant le déboitement en force de la tête humérale à travers l’appareil capsulo-ligamentaire. Elles permettent aussi de voir des lésions associées comme une fracture du trochiter.
Dans un deuxième temps, si les radio sont normales un arthro-scanner s’impose. Il montrera au mieux les lésions du bourrelet (6) et des ligaments (Figure 13), notamment quand l’épaule instable ne s’est jamais déboitée. Un arthro-scanner normal avec une luxation récidivante confirmera formellement une instabilité sur hyper laxité ligamentaire suspectée à l’examen clinique par la souplesse des articulations telles que les pouces, les coudes ou des épaules.
Le traitement chirurgical sera fonction des lésions : on pourra proposer une butée coracoîdienne en cas de lésions osseuses, une réinsertion capsuloligamentaire type intervention de Bankart à ciel ouvert ou sous arthroscopie, une plicature capsulaire type intervention de Neer chez les hyperlaxes invalidés par l’instabilité et après l’échec de la rééducation.
Conclusion
La prise en charge initiale d’un accident lors des sports nautiques est capitale pour l’avenir sportif et fonctionnel de l’articulation touchée. Quelque soit le lieux ou les circonstances de survenue le bilan radio-clinique et le traitement en urgence doivent permettre un diagnostic précis et un programme thérapeutique adapté. On évitera ainsi les complications, parfois gravissimes, dont le traitement est toujours difficile avec des résultats fonctionnels plus aléatoires.
Docteurs Paul MURACCIOLE, Franck LAUNAY
Professeurs Jean Luc JOUVE et Gérard BOLLINI
Hôpital TIMONE Enfants, 264 rue Saint-Pierre 13385 MARSEILLE CEDEX 05