La cuisine de l’espace revisitée par Thierry Marx et une alliance d’experts français pour l’Agence Spatiale Européenne.
A l’occasion de sa deuxième mission en 2021, Thomas Pesquet, l’astronaute de l’Agence Spatiale Européenne (ESA), embarquera à bord de la Station Spatiale Internationale (ISS) une sélection de plats gastronomiques soigneusement étudiés et conçus pour son séjour dans l’espace. Certains de ces plats ont été élaborés pour l’ESA par le Chef du Mandarin Oriental, Paris Thierry Marx et le chercheur en physico-chimie Raphaël Haumont, codirecteurs du Centre Français d’Innovation Culinaire à l’Université Paris-Saclay, puis dressés et appertisés par Jean Hénaff. Retour sur les coulisses de cette collaboration exceptionnelle associant des expertises scientifiques, culinaires et agroalimentaires françaises de pointe.
4 nouveaux plats pour l’ISS : le fruit d’une innovation collaborative placée sous le signe de l’excellence
Au total, quatre nouveaux plats sont développés afin d’offrir des repas « étoilés » qui célébreront des moments de fête à bord de l’ISS : un gâteau de pommes de terre et oignons de Roscoff truffés, un
boeuf de 7 heures sauce aux cèpes, une amandine aux poires caramélisées, ainsi qu’une recette
expérimentale à base de tomates cerises lyophilisées. La reconduction de cette alliance interdisciplinaire, qui représente un formidable exemple d’innovation collaborative, fait suite à une première coopération réussie en 2016 dans le cadre de la mission Proxima de l’astronaute normand Thomas Pesquet à bord de l’ISS.
Un projet qui relève d’un véritable défi scientifique, culinaire et technique
Des recettes originales et d’exception alliant plaisir, bien-être et santé Formuler des recettes associant plaisir, bien être et santé, tel est l’objectif de Thierry Marx et de Raphaël Haumont, physico-chimiste, Professeur à l’Université Paris-Saclay. « Nous nous sommes orientés vers des recettes peu sucrées avec une liste d’ingrédients la plus courte possible. Cela représente un nouveau challenge. Pour réaliser l’amandine sans ajout de saccharose, nous avons par exemple dû travailler la texture de la pectine de poire qui va nous apporter une sucrosité et un gélification naturelle » – Thierry Marx.
Des processus de fabrication innovants à l’oeuvre
Elaborer des plats avec une texture et des saveurs qui se rapprochent le plus possible de celles d’origine tout en respectant les exigences de la nourriture spatiale, relève d’un défi complexe nécessitant le recours à des procédés techniques et chimiques. « Concocter une sauce traditionnelle au vin sans alcool est le résultat d’un long processus. Il faut extraire l’éthanol en utilisant un évaporateur rotatif. Des analyses fines (RMN) sont ensuite menées pour vérifier l’absence d’alcool. » – Raphaël Haumont.
La lyophilisation, qui consiste à extraire l’eau contenue dans les substances organiques ou minérales par interaction des techniques du vide et du froid, fait partie des techniques de conservation expérimentées et développées de façon poussée par le chef et le physico-chimiste. « Nous avons mis au point une
recette expérimentale à base de tomates cerises lyophilisées au sein de l’Institut de chimie moléculaire et des matériaux d’Orsay (Icmmo- CNRS/Univ. Paris-Saclay) sur le campus d’Orsay ». L’objectif est de proposer des tomates déshydratées qui conservent leur couleur, leur forme et leurs propriétés Boeuf de 7 heures sauce aux cèpes / Mathilde de l’Ecotais
gustatives. « Le résultat obtenu est très concentré en saveurs. Une tomate contient plus de 90% d’eau.
Retirer l’eau revient à multiplier par presque 10 les saveurs ». Un travail en profondeur sur la relation texture-cuisson a été mené avec comme objectif, l’optimisation du traitement thermique permettant de préserver au maximum les goûts et les textures. Pendant plusieurs semaines, le CFIC et Jean Henaff ont testé sur des échantillons différents barèmes de cuisson afin de déterminer la température et le temps de cuisson optimaux à la préservation des aliments. Un excès de cuisson durant la stérilisation nuirait aux qualités
organoleptiques souhaitées. La garantie d’une hygiène irréprochable assurée par l’entreprise Jean Hénaff Les plats sont transposés dans des contenants thermoformés par l’entreprise bretonne Jean Hénaff, dont le savoir-faire centenaire en sertissage et appertisation a été reconnu par l’obtention du label Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV) en 2016. « Notre expertise consiste à sertir parfaitement les boites pour une étanchéité absolue et appertiser juste ce qu’il faut afin de préserver les propriétés nutritives et gustatives des recettes pour que les astronautes retrouvent intactes les saveurs de la Terre et le plaisir du goût. L’autre enjeu est de garantir une sécurité microbiologique sans faille. » Carole Machut, Responsable R&D du Groupe Jean Hénaff.
L’entreprise assemble méticuleusement les aliments à la main et veille à soigner la présentation desplats. « L’aspect visuel des plats peut avoir un côté réconfortant pour l’astronaute. Sur le plan
organoleptique, on souhaite que les plats dégustés dans l’espace soient le plus proches possible de ceux
de la terre ». Grâce à l’agrément USDA dont elle bénéficie et qui l’autorise à exporter des produits carnés aux Etats- Unis, l’entreprise conçoit depuis 2011 environ 2000 plats par an pour l’ISS. Ce précieux sésame, obtenu par deux seules entreprises françaises, s’appuie sur une réglementation spécifique exigeante et
requiert le respect d’un formalisme très rigoureux du plan de maîtrise sanitaire. « Le renouvellement de notre collaboration avec Thierry Marx nous impose de repenser nos procédés actuels, représente une grande fierté pour nos équipes et confirme l’excellence de notre savoir-faire centenaire. » – Loïc Hénaff, Président du Directoire du Groupe Jean Hénaff. En octobre 2019, Thomas Pesquet est notamment venu remercier les équipes de l’entreprise Jean Hénaff pour la préparation des plats qu’il a dégustés et appréciés lors de sa première mission à bord de l’ISS en 2016.