L’industrie du voyage et du transport aérien commercial a subi des dommages considérables à la suite de la pandémie du coronavirus.
Linus Bauer, consultant en industrie aéronautique et conférencier sur le transport aérien à la « City University of London » : 5 à 8 % des voyages d’affaires en avion pourraient ne jamais reprendre
Selon les chiffres récemment publiés par l’Association internationale du transport aérien (IATA), l’industrie mondiale de l’aviation devrait perdre 252 milliards de dollars américains en 2020, de nombreuses compagnies aériennes ayant déposé leur bilan et réduit jusqu’à 90 % leur capacité de vols.
Quelles mesures supplémentaires – à part le port du masque dans l’avion et la prise de température à l’embarquement – les compagnies aériennes peuvent-elles prendre pour atténuer les inquiétudes des passagers ?
La santé et la sécurité deviendront un facteur omniprésent, car la peur et la confiance seront les deux émotions au premier plan dans l’esprit des gens lorsqu’ils planifieront un voyage. Au cours des deux dernières semaines, nous avons été témoins de plusieurs incidents : de nombreuses compagnies aériennes ne tiennent pas leur promesse de laisser les sièges du milieu vides ce qui empêche la distanciation sociale. Les compagnies aériennes doivent faire preuve de plus de transparence dans la communication du protocole de distanciation sociale, surtout à l’ère des médias sociaux. Les passagers exigent d’être informés à travers des messages clairs de ce que font les compagnies aériennes pour rendre les voyages sécurisés – des mesures préventives à bord et des processus de nettoyage spéciaux, jusqu’aux changements d’horaires de vol minute par minute, etc. De telles activités atténueraient certainement les craintes des passagers soucieux de leur santé. Lorsque les gens ont le sentiment qu’une compagnie aérienne ne respecte pas suffisamment leur santé et leur sécurité, ils en trouveront rapidement une autre qui le fait.
Avec la crise de plus en plus profonde de l’aviation mondiale et le dépôt de bilan des grandes compagnies aériennes, l’aide de l’Etat serait-elle la seule option ?
Pour un nombre très important de grandes compagnies aériennes dans le monde, l’aide publique est la seule option pour garantir leur survie. En Allemagne, par exemple, le réinvestissement des fonds de stabilisation avec des programmes de prêts spéciaux issus de la précédente crise financière mondiale offre la meilleure solution pour les sociétés par actions allemandes comme la compagnie nationale Lufthansa.
Compte tenu de la faiblesse actuelle des prix du pétrole et de la faible demande de voyages qui en découle, les tarifs aériens deviendront-ils plus abordables pour les voyageurs ?
En raison des accords de couverture du carburant mis en place à la fin de 2019, la majorité des compagnies aériennes ne bénéficieront malheureusement pas des prix bas du pétrole pour le moment. Les compagnies aériennes ont fait état de pertes massives dans les opérations de couverture du risque carburant en raison de la chute des prix du carburant.
Les pertes à la valeur de marché dues aux couvertures excédentaires surgissent également parce que les réductions des capacités de vols, conséquence directe de la pandémie, font que les besoins des compagnies aériennes en matière de consommation de carburant seront plus faibles que prévu au cours des prochains exercices. Du côté de la demande, le secteur du transport aérien connaîtra une demande en baisse au cours des trois prochaines années.
En raison des avantages technologiques comme la vidéoconférence et de la récession économique (faillites d’entreprises à venir), les voyages d’affaires seront limités pour répondre aux besoins essentiels et une partie des voyages d’affaires pourrait ne jamais reprendre (5 à 8 % en moyenne). Ces événements – réductions de capacité, diminution de la demande et coûts de carburant plus élevés que prévu – contribueront à une augmentation des tarifs aériens à moyen terme. Toutefois, on peut s’attendre à des tarifs aériens moins élevés pendant une période limitée au tout début, et des méthodes seront mises au point pour stimuler le trafic et la demande pendant la phase de reprise.
Existe-t-il des zones géographiques ou des marchés de voyage spécifiques dans le monde qui sont mieux préparés au retour à la normale ?
Il est peu probable que la normalité revienne avant 2023. Cela dit, je pense que des pays comme l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont un avantage géographique et ont fait un excellent travail pour cimenter les liens entre eux pendant cette pandémie. Une « bulle » de voyages « trans-Tasman » sera créée dès qu’il sera possible d’autoriser les vols entre les deux pays en toute sécurité. Si elle fonctionne bien, ils pourraient envisager d’inviter les îles du Pacifique et Singapour à s’y joindre. Ce modèle pourrait s’avérer un bon exemple pour le reste du monde afin de donner un coup d’accélérateur aux voyages entre les pays, étape par étape.
L’industrie aérienne sera-t-elle modifiée pour le mieux ? Étant donné le rôle que les financements publics et privés peuvent jouer dans la restructuration des compagnies aériennes, la crise du COVID-19 pourrait-il obliger les compagnies aériennes déjà mal gérées à devenir plus efficaces ?
Chaque crise entraîne de nouvelles possibilités d’améliorer les choses. Ce qui était considéré comme les erreurs du passé peut maintenant être rectifié. Après avoir été réveillé par cette crise, une attention beaucoup plus grande sera accordée à des questions telles que la durabilité et l’environnement, ce qui conduira à une plus grande efficacité opérationnelle pour l’avenir.
Comment la pandémie affectera-t-elle la filière de formation des pilotes ?
Les pilotes, les agents de bord et les agents d’escale appartient aux métiers les plus directement touchés par la forte baisse de la demande de passagers depuis que la pandémie a balayé le monde entier et a pratiquement interrompu les voyages aériens pour des millions de personnes. La crise du COVID-19 a transformé la pénurie mondiale de pilotes en un surplus de ceux-ci. La crise actuelle a tout changé, y compris le fait que les transporteurs ont licencié des milliers de pilotes en raison de la forte réduction des capacités pour les trois prochaines années.